Frankie Machine,délinquant des bas-fonds de Chicago,revient dans son quartier pourri après six mois de détention à la prison de Lexington.Il retrouve sa femme handicapée,sa maîtresse qui s'est recasée,sa voisine obligeante,son meilleur pote neuneu,son employeur qui organise des pokers clandestins et son dealer.Et aussi les flics du coin qui n'attendent qu'un faux-pas de sa part pour le renvoyer au trou.A la surprise générale,Frankie se présente comme un homme neuf désireux de rompre avec son passé sulfureux.La taule lui a été bénéfique,des médecins l'ont désintoxiqué et il y a appris à jouer de la batterie,ce dont il veut désormais faire son métier car il est doué pour ça.Hélas il va vite devoir faire face à ses démons intérieurs,qui le poussent à replonger dans la drogue,et extérieurs,avec son environnement toxique qui l'enserre comme dans un piège et refuse de le voir changer et lui échapper.Ce film est généralement réputé pour être l'un des premiers à avoir ouvertement traité de la drogue et des problèmes en découlant.C'est vrai mais c'est réducteur,il s'agit de bien autre chose que d'une sorte de documentaire prophylactique.Déjà,c'est produit et réalisé par l'immense Otto Preminger,qui donne comme à chaque fois une leçon de cinéma.L'enchaînement de séquences parfaites est ininterrompu et il aligne les plans magistraux comme à la parade.Dans des décors souvent exigus,la caméra se déplace souplement et trouve les bons angles en permanence,avec des mouvements d'appareils imparables et des variations de focales et d'échelles impeccables.C'est aussi un film d'ambiance,et ça commence avec le générique géométrique très stylisé du grand Saul Bass,puis ça continue avec une musique jazzy violente d'Elmer Bernstein,qui installe immédiatement une tension qui va irriguer toute l'histoire,et le noir et blanc classieux de Sam Leavitt n'est pas en reste.Le scénario est signé Walter Newman et Lewis Meltzer,qui adaptent un roman de Nelson Agren.Certes,le thème de la toxicomanie est mis en relief et nous vaut un paquet de scènes choc,sublimées par la performance hallucinée de Frank Sinatra en junkie trop faible pour résister à la tentation.Tout est décrit dans le détail,la force de l'addiction qui fracasse aisément la volonté d'arrêter la came,le désir irrépressible d'un fixe qui monte inexorablement,le soulagement consécutif au shoot,puis l'obsession de la prochaine prise,la déchéance quand il n'y a plus que ça qui compte,et les affres du sevrage.Mais au-delà de l'aspect technique et du traitement exceptionnel d'un sujet très peu évoqué à l'époque,le récit s'attache également,et peut-être surtout,à analyser la comédie humaine d'une manière sombre et pessimiste typique du cinéma de Preminger.On a là un échantillonnage lugubre de personnalités veules,cupides et nocives,qui dansent autour de Frankie un funeste ballet.Il est bien sûr question de déterminisme social.Le héros sort de taule tout beau tout neuf,plein d'espoirs et d'illusions quant à la nouvelle existence qu'il envisage.Sauf qu'il doit revenir d'où il vient,vu qu'il n'a nulle part où aller en-dehors de ce quartier pauvre et criminogène où chacun va s'échiner à le tirer vers le bas,comme pour l'empêcher de s'en extirper.Et son environnement est gratiné,composé qu'il est de gens moralement ignobles,ou au mieux négatifs.Son épouse est clouée dans un fauteuil roulant suite à un accident de la route causé par Machine,qui conduisait bourré.Il est rongé par la culpabilité,ignorant que sa gonzesse,guérie depuis longtemps,simule afin de l'accaparer.C'est une cinglée hystérique,possessive et manipulatrice qui lui pourrit la vie consciencieusement.Son ami Sparrow est un cas aussi.Totalement admiratif de Frankie et dévoué à lui,il n'est qu'un pauvre mec,faiblard physiquement et psychologiquement,qui colle aux basques de son pote et le fout dans la merde en croyant lui rendre service.Schwiefka est le patron de tripot qui employait Frankie avant son incarcération et qui veut à tout prix le récupérer car c'est le meilleur donneur de cartes au poker.Et bien sûr il y a Louie,l'ange de la mort,le criminel en costard policé mais impitoyable,qui fournit tout le quartier en dope et sait précisément sur quels boutons appuyer pour convaincre Machine de repiquer à la piquouse.Tout cela forme une toile d'araignée qui emprisonne Frankie plus sûrement que le centre pénitentiaire où il résidait et le conduit vers une chute inéluctable.Il y a cependant quelques défauts dans ce film daté aux dialogues parfois grandiloquents,aux personnages manichéens et folklos,avec certains acteurs surjouant volontiers et une atmosphère un peu trop ostentatoire de Cour des Miracles.C'est plein de freaks dans ce quartier où l'on croise entre autres un manchot,un aveugle,des piliers de bar à l'ouest ou un médecin charlatan.Sans oublier une fin bizarrement optimiste tissée de résolutions trop faciles,avec notamment une désintox atroce mais curieusement ultra rapide et radicale.Sinatra est impressionnant en naïf persuadé de pouvoir s'en sortir facilement et cédant à toutes les tentations.Eleanor Parker est pas mal aussi en épouse faussement handicapée mais vraiment allumée,tandis que Kim Novak est très bien en petite amie dévouée et empathique,très belle aussi,mais son personnage est trop sympa pour être crédible,la fille est une vraie sainte qui supporte toutes les avanies pour aider son jules à la dérive.OK,elle est folle amoureuse de lui,mais sa patience va quand même très loin.Darren McGavin est excellent en trafiquant de drogue rusé,dont on se demande si son acharnement à vouloir contrôler Frankie n'est pas de nature sexuelle,voir la scène où il se déshabille devant lui.Robert Strauss est parfait en gangster têtu et gras du bide faisant son beurre sur les jeux de cartes illégaux,et John Conte est veule à souhait en copain alcoolo de Novak,aussi dépendant de la gnôle que Machine l'est de la came.Arnold Stang,le pote soumis du héros,est une sorte de comic relief ridicule,et Doro Merande,qui aurait pu jouer Olive dans "Popeye", en fait des caisses en voisine arrangeante à grande gueule.Pour ce qui est du titre du film,il est expliqué dans une scène par Sinatra,qui déclare qu'il est un bon batteur et qu'il a un bras en or.Mais la raison est en réalité triple car il s'agit également du bras qui distribue les cartes avec dextérité,et évidemment de celui dans lequel on injecte les doses.

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