Thème de western spaghetti combiné à l'esthétique originale de Ipcress, avec un Brando tout propret

Sidney Furie est un réalisateur canadien prolifique dont deux films mémorables sont : « The Ipcress File (Ipcress Danger Immédiat), 1965, et celui-ci The Appaloosa, (L’Homme de la Sierra), 1966. 

Beaucoup de ce qui est dit sur l’esthétique de The Appaloosa, qu'elle imiterait Sergio Leone, ne tient pas si on a vu son précédent film The Ipcress File, un thriller d’espionnage avec Michael Caine. C’est l’un des bons films de ce genre produits dans la décennie des années 60, souvent avec des scénarios de Len Deighton ou de John Le Carré. Caine joue pour la premiere fois Harry Palmer, personnage d’une série de romans créée par Deighton, et il reprendra ce rôle dans Mes funérailles à Berlin

The Ipcress File montrait une originalité dans la mise en scène, tres particulière à Furie. Ceux qui ne l'aimaient pas parlaient d« son maniérisme », parce que le style était du genre : gros plan sur une paire de lunettes ou un rétroviseur, cadrés en oblique, reflétant toute une scène d’action visuellement déformée… Ou encore, ce sont des couleurs tres contrastées, flashies (mais pas agressives) dans des plans recherchés, décalés, et plutôt beaux. C’est vraiment à voir au moins dans cet opus qui est devenu par la suite un film culte.

The Appaloosa est de l’année suivante. Le style de ce western s’en rapproche, et cela tient donc plus des propres recherches formelles de Furie que d'une imitation plate des films de Sergio Leone. Il y a convergence de deux styles innovants plutôt qu’imitation.

En revanche, The Appaloosa se rapproche du western italien par le sujet : un pauvre est malmené par un riche et par ses hommes de main, il se révolte, il est maltraité sadiquement mais il finira par gagner. Et aussi, une femme mystérieuse (ici jouée par Anjanette Comer) est malmenée par la même brute, dont elle est la compagne (mais elle n’est ni pute ni soumise) et elle se venge de lui en sauvant le héros. Et encore : le méchant a un certain sens de l’honneur et un fonds de désespoir. Ici c’est John Saxon (qui prend par exemple la place du Gian Maria Volonte de Pour Une Poignée de Dollars, 1963, de Sergio Leone).

Notons que Saxon, qui est un  acteur à la longévité et à la vigueur exceptionnelles (il tourne encore aujourd'hui en 2018) est très bon dans ce rôle.

Le film se rapproche aussi de Sergio Leone par le traitement : par exemple, par un certain étirement des plans et des séquences et à cause des gueules mémorables des malfrats.

Parmi les patibulaires, il y a Emilio Fernandez, qui a joué maintes fois ce type de rôle. (Son meilleur successeur aujourd'hui pourrait etre le mexicain Danny Trejo, qu’on a vu récemment dans des films de Robert Rodriguez, le camarade ès films de Tarantino). On remarque aussi Alex Montoya, qui arbore ici une superbe cicatrice palpébrale.

Mais surtout nous avons Monsieur Marlon Brando, et là, cela devrait être spécial, à cause du charisme et de la renommée de notre super star : on attend de lui un jeu qui nous emporte. Or il est à peine moyen.

Au début, même son maquillage est catastrophique : pour en faire un confédéré de retour de la guerre, fatigué et puant, on a sali son uniforme, son chapeau et ses cheveux, mais de manière si grotesque et si laide, si fausse, que c’en est dur à supporter. Par la suite, il est tout propret dans son costume mexicain, il est redevenu très beau comme Marlon Brando, mais il joue à peine, comme absent. (A comparer avec sa prestation vivante, excellente dans "One Eyed Jacks" "La Vengeance au deux visages" de 1961, un western réalisé par lui même 5 ans plus tôt, déjà avec John Saxon, et avec aussi Karl Malden). 

Ici, les scènes d’action sont plates, presque escamotées. Elles n’ont pas l’emphase ni les boursouflures de celles de Sergio Leone, mais elles n’ont pas non plus leur allure insolite ni ses raptus de violence : en fait il y a peu d'action.

Et ce n’est pas compensé par un scénario qui nous captiverait par sa complexité car il est très simple, et même pauvre. On s’attendrait à ce que la trame standard décrite ici se déploie peu à peu mais elle se rétrécit plutôt à mesure que le film avance.

En fin de compte : la mise en scène originale de Furie est noyée dans la thématique d’un western italien stéréotypé, et sa recherche formelle, ses plans originaux, et même la magnifique photo de Russel Metty ne sauvent pas le film qui reste moyen tout du long. 

Remarques complémentaires :

Furie est encore en activité en 2018 (date de cette note) ! 

A partir des années 80, il réalise surtout des nanars, dont beaucoup de films de guerre, qui sont tous à éviter à mon avis sauf un de ceux sur le Vietnam, « The Boys in Compagnie C » (Les boys de la Compagnie C), de 1978. A noter que celui-ci est un des premiers sur cette guerre, tout comme "Go Tell the Spartans » (Le merdier), de Ted Post, et "Deer Hunter" (Voyage au Bout de l’Enfer) de Michael Cimino. Ils sont tous les trois de 1978. "Apocalypse Now" de Coppola est de 1979. 

Le film de Furie est fait, si mes souvenirs sont bons, plutôt dans ce qui sera l’esprit du «Platoon», 1986, de Oliver Stone (mais loin d’égaler ce chef d’oeuvre). 

En résumé, il a été aussi parmi les innovateurs de 1978 - 1979 sur le cinema de la guerre du Vietnam puisque les autres films américains importants sont tous de la décennie suivante : le "Hamburger Hill" de John Irvin, qui date de 1987 comme le « Full Metal Jacket » de Kubrick, et le "Born in the Fourth of Juillet » (Né un Quatre Juillet) de Oliver Stone qui est de 1989. 

Michael_Faure
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le 23 oct. 2024

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