Mettons les choses au clair : un film réalisé en 1943 dans une France occupée et qui s'appelle "l'homme de Londres n'est pas du tout un ouvrage de politique fiction avec le général de Gaulle comme héros…
Non, au risque de décevoir, ce film est tiré d'un roman éponyme de Simenon, écrit en 1934, que je ne connais pas. Le scénario m'a paru toutefois intéressant. Un homme simple, aiguilleur dans une gare maritime, observe les allées et venues du haut de son poste. Un jour il assiste à un meurtre et récupère peu après une valise pleine d'argent. L'homme se trouve ainsi à la croisée de deux chemins. Le premier, très tentant, c'est profiter de cet argent pour enfin vivre la grande vie (qu'il mérite depuis si longtemps). Le deuxième, moins bandant, c'est rapporter cet argent et témoigner de ce qu'il a vu à la police. Mais que va-t-il faire ?
Pour reprendre les allusions bibliques du film, il a le choix entre la voie étroite, difficile mais conforme aux commandements ou la voie très large, facile mais qui ouvre une route vers la perdition. Outre la portée ambigüe de ces paroles qu'un spectateur (ou un lecteur) à l'esprit mal tourné pourrait avoir, j'ai trouvé cette espèce de morale, placardée tout le long du film, un peu artificielle d'autant que le dilemme posé n'en a pas vraiment besoin pour sa résolution. Les évènements se suffisent à eux-mêmes pour s'en charger. Mais ceci ne m'a pas tant gêné que ça.
Non, je n'ai pas été convaincu par le jeu de Fernand Ledoux dans son rôle de l'homme, aiguilleur de nuit, qui va récupérer cet argent. Dès le départ, il est mis en scène comme un homme pas franchement sympa surtout face à son épouse ou ses enfants pour lesquels il semble avoir la calotte facile. Decoin veut le montrer pauvre mais scrupuleusement honnête. Alors pourquoi le montrer si désagréable envers son épouse ? Une fois en possession de cet argent dont, évidemment, il ne peut en parler à personne, qu'il pète un plomb lorsqu'il réalise que le contenu de la valise est 1400 fois son salaire mensuel, c'est autre chose et compréhensible. Est-ce une volonté de réalisme de la part de Decoin de montrer que quelqu'un de simple et frustre, imbibé de morale chrétienne mal digérée, ne pourra pas gérer à ses propres yeux une fortune "mal acquise".
Parmi tous les films d'Henri Decoin, "l'homme de Londres" est un de ceux qui m'a le moins convaincu. Pourtant, il y a une bande son qui n'est pas désagréable car accompagnée d'une chanson façon ballade à l'accent faubourien bien d'époque. Comme les allusions morales tirées de la Bible, la bande son m'a aussi semblée plaquée un peu artificiellement car en définitive ne contribue guère à l'action. Parmi les autres désagréments du film, l'image de mon DVD est très pixelisée signifiant qu'une petite remasterisation ne serait pas du luxe.