Pour réussir un western bâti sur l’histoire habituelle du héros solitaire venu d’ailleurs qui va prendre la défense de la brave famille de fermiers face aux méchants, une condition est absolument indispensable : disposer d’un acteur charismatique. Las, Alan Ladd, petite taille, air mièvre et cheveux délicatement ondulé, n’est ni John Wayne ni Clint Eastwood. Ce qui lui manque ? La rudesse.
Dès le départ, cet Nième opus ne fonctionne donc pas. Dommage que le gentil ne soit pas à la hauteur du méchant, Jack Palance, tout à fait saisissant de morgue reptilienne, qui inspirera Morris pour son Phil Defer face à Lucky Luke.
Car les autres protagonistes sont à l’avenant : le gamin est exaspérant avec ses « bang bang », la mère éplorée et soumise à souhait, le fermier sans peur et sans reproche. Cette galerie de clichés exalte la bonne vieille virilité que seul prouve le combat. Le ridicule n’est jamais loin, les beaux moments de cinéma bien rares (la bagarre dans le saloon, la lutte entre Shane et Joe Starrett filmée à ras du sol qui excite les animaux).
Reconnaissons tout de même à ce Shane le bon goût de nous surprendre parfois en ne tombant pas dans la caricature : le chef des éleveurs n’est pas une brute écervelée, il s’échine par tous les moyens à convaincre puis à acheter Starrett « qu’il estime ». Et le revirement de Chris, le méchant du début, est intéressant.
Malgré tout, on est globalement sur un western académissime réalisé sans grâce : on peine à comprendre le succès et la pluie d’Oscars raflé par ce truc pompeux et assez indigeste. Quant à la VF proposée par Arte (qui n'est plus ce qu'il était), elle n'arrange rien. En bref : dispensable. De George Stevens, voyez plutôt Swing Time ou, mieux encore, Une place au soleil, avec Montgomery Clift et Liz Taylor.