C’est loin d’être un film parfait. Jean Arthur est une belle erreur de casting, le gamin est une sacré tête à claque, le pitch est classique de chez classique, certaines scènes sont plus que dispensables (l’abatage de la souche notamment d’une niaiserie sans nom), la mise en scène et le montage sont parfois hasardeux, Alan Ladd sort tout droit des beach boys et il y a une baisse de rythme au 2/3 du métrage assez handicapante. Bon ça fait beaucoup, mais ça n’explique pas le traitement que subit ce film en France depuis sa sortie, car des qualités ce western en a, et beaucoup plus que les défauts que j’ai cité.
Esthétiquement il est tombé par terre, la photo est lumineuse, les paysages sont magnifiques et filmés de très belle manière, à cet égard le premier plan du film est l’un des plus beaux que j‘ai pu voir, on se croirait dans La porte du paradis. Pour ce qui est de l’histoire, bien qu’elle semble convenue elle est plus compliquée qu’il n’y parait, Stevens ne tombe pas dans le manichéisme facile, il donne la parole à la figure du méchant pour qu’il explique ses choix.
C’est aussi un film audacieux, Shane est présenté dès le sublime premier plan du film comme une gâchette, un homme d’action, pourtant il se baladera pendant les 3/4 du film sans armes et ne fera usage de celle-ci qu’a deux reprises. D’ailleurs la première fois qu’il se présente au saloon, il se fait humilier, la pression monte, on attend qu’il explose, on sent, on sait même qu’il va y avoir du sport pourtant Shane s’en va sans faire de vague, une leçon de suspense. Mais à son retour c’est tout l’inverse, il prend le taureau par les cornes et cogne le premier provoquant une bagarre homérique de plusieurs minutes sans musiques, ni artifices, un grand moment de cinéma. Quand en plus les seconds rôles sont géniaux (ah la trogne impayable de Palance), que la violence est sèche, qu’il y a de la boue, des hommes descendus de sang froid et que le film a influencé beaucoup de grands cinéastes, Eastwood en premier lieu mais aussi Peckinpah et bien d’autre. Il faut redécouvrir ce western qui ne mérite pas d’être mis au ban.
Biniou

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