Rares sont les oeuvres de Woody Allen à m'avoir laissé un mauvais souvenir. Dans cette catégorie entre notamment Minuit à Paris, vu à sa sortie au cinéma et qui m'était apparu comme une carte postale insipide, convenue et clichée de la ville-lumière et des grandes figures intellectuelles du XXème siècle. Je vais à présent ajouter à cette liste de déceptions son tout dernier bébé, dont pourtant nombre de critiques avaient fait l'éloge - suscitant ma vive impatience.
Comme je me suis ennuyée devant ce film !
Rien, je n'ai rien retrouvé de la patte Allen que j'aime tant, cette petite musique à la fois légère et grave, ce doux pétillement intellectuel que j'avais tant aimé dans Whatever works, par exemple. Magic in the moonlight avait aussi ce charme délicieux, avec ces répliques qui fusent, ces situations cocasses, ces décors de rêve - assorti d'un casting d'une folle élégance : autant de détails qui m'avaient séduite au plus haut point, me laissant un sourire indélébile au visage à la fin du visionnage.
Ici, nous avons déjà une invraisemblance de départ : je veux bien que les sentiments ne s'attachent pas au physique (c'était d'ailleurs le cas dans le joyeux Whatever works) mais enfin une éblouissante Emma Stone qui s'amourache d'un Joaquin Phoenix aussi ventripotent que lugubre : je ne marche pas. Alors, on m'opposera peut-être que Jill est avant tout fascinée par son intellect. Là encore, navrée mais je n'ai perçu aucune des fulgurances cérébrales auxquelles nous ont habitués les personnages - même les plus misanthropes ou taciturnes - de Woody Allen. Les brefs instants de cours d'Abe Lucas sont absolument inintéressants, ne soulèvent aucun questionnement profond, ne donnent pas à réfléchir : il n'a rien du professeur brillant et charismatique que tout le monde dépeint et qui fait chavirer les jeunes filles.
Ensuite, le scénario s'étire en bavardages inutiles et creux sur le sens de la vie, qui n'ont strictement aucune épaisseur, pas le moindre relief ...Et n'amusent même pas ! Et pour moi, tout le film est ainsi : bancal, ne sachant vers quel genre pousser, et finalement ne choisissant rien. J'ai remarqué à plusieurs reprises que Phoenix jouait comme Woody Allen lui-même, ce qui n'est pas très intéressant : Woody aurait mieux fait de le laisser jouer comme il l'entendait plutôt que de chercher à voir à l'écran une copie de son jeu maladroit et hésitant - pour moi totalement dissonant.
Petit regain d'intérêt au moment de l'enquête autour du meurtre du juge et une scène assez réussie - celle du dîner chez les parents de Jill avec Abe, et les hypothèses rigolotes des uns et des autres sur le déroulement de ce meurtre mystérieux.
En-dehors de ça, le film s'écoute parler, ne fait pas rire, les situations sont inintéressantes, les dialogues creux. Visuellement, ça n'est même pas beau (enfin, sauf Emma Stone, mais ce n'est pas bien difficile compte tenu de son ravissant minois), la mise en scène est banale, les tentatives pour rapprocher le questionnement d'Abe Lucas de Dostoïevski sont vains, survolés (voire prétentieux au vu du résultat final sur le film). Même la musique qui, pourtant, occupe souvent une place de choix dans les films d'Allen, est totalement insipide (et dont la gaieté volontairement décalée par rapport à certaines scènes ne m'a même pas fait sourire).
S'approchant dans sa thématique de l'excellent Crimes et délits, L'homme irrationnel n'atteint jamais sa profondeur dramatique, n'émeut ni ne fait réfléchir un instant.
Bref, on l'aura compris, je suis très mécontente de cette nouvelle oeuvre bien peu inspirée, d'où la petite magie à la fois légère et solennelle qui file la plupart des films de Woody, est totalement absente.
Au suivant ! (en espérant qu'il soit meilleur)