Pas étonnant que seule Geneviève (Brigitte Fossey) défende l'autobiographie de Bertrand Morane. Les mots d'aventures soufflés par Truffaut à son personnage sont bien éloignés de ceux de son aventurier d'homonyme Bob (Morane), car ils sont adressés aux femmes. Enfin pas toutes, aux femmes qui aiment les hommes, celles qui les aiment comme cet homme aime les femmes : avec une ingénuité totale.
Bertrand ne se considère pas comme un dragueur, d'ailleurs il les trouve "lamentables". Parce que sous l'apparence d'une obsession frivole renforcée par le côté catalogue du scénario, son amour va au-delà de celui du dragueur. Son insatiable quête n'est ni celle socialement programmée d'une moitié manquante, ni la conquête sordide du palmarès de notre époque, celui des premiers de cordée, de ceux qui possèdent ; femmes, voitures, chaussures, vinyles, bouquins, que sais-je... dans laquelle l'important est de se mesurer et donc de faire savoir. Ce que Bertrand ne fait justement pas ; l'autobiographie n'étant qu'un artifice scénaristique, un processus narratif.
J'avais vu ce film étant enfant. Je ne gardais en tête qu'une scène durant laquelle la compagnie de mes parents m'avait pesé tandis qu'à l'écran un homme déboutonnait fébrilement la robe aux mille boutons d'une amante narquoise. La dame et le monsieur n'avaient pas l'éclat de la jeunesse, mais l'érotisme de la scène ne m'avait pas échappé. Adulte je comprends mieux ce sentiment, parce que l'érotisme n'est pas vraiment dans l'image, ni le corps de ces femmes aux plastiques communes pour la plupart, il est dans le regard que leur porte Truffaut via sa caméra, et pas seulement par son fétichisme avec ces belles jambes galbées par des salomés juste assez basses pour permettre la fluidité du pas, mais aussi par sa retenue.
Le film charme également parce qu'il est sincère et maladroit comme son personnage. C'est souvent le cas avec Truffaut, c'est ce qui rend l'auteur présent, palpable, humain. Le semblant d'analyse freudienne et cette fin ridicule qui boucle sagement le tout sont un peu lourds. D'ailleurs il a bien fait de ne pas se mettre en scène lui-même, s'il avait récité ses beaux dialogues cela aurait sûrement plombé le film. Trintignant m'aurait paru plus crédible pour emballer autant mais ce choix de Denner n'en est que plus parfait, inquiet mais pas inquiétant, touchant mais pudique.
Un petit aparté pour poursuivre maladroitement moi aussi, car je ne voudrais pas faire offense aux hommes qui ont aimé ce film : il se trouve que c'est un bon film. Cf. les critiques pro- pour plus de détails.