V POUR LIBERTY VALANCE
Don Quichotte est le roman de la mise en abîme, celui qui raconte les effets de la fiction sur la réalité, dont l'enchâssement de récits (moindre que dans Les Mille et Une Nuits!) ridiculise la mode enterrée de la postmodernité. Gilliam a fait le bon choix en n'adaptant pas bêtement le roman, mais en le transposant dans son medium propre. La trame aboutit à une conclusion qui semble naturelle - même si l'intention est meilleure que le résultat (dialogues, mise en scène...). Le film est long et décousu - vous trouviez le livre court et bien construit?


Jeune réalisateur installé au talent reconnu, Toby (?) tourne le remake de son propre film "de fin d'études": est-il déjà arrivé au point où à défaut d'inspiration, il se singe lui-même pour accomplir la tâche et correspondre à l'image que l'on attend de lui? Paralysé par la peur de l'échec, à court d'idées, il tente de se ressourcer à la réalité en revenant sur les lieux de sa première version du Quichotte, et découvre les effets du tournage initial sur la vie des villageois qu'il avait employés comme acteurs, et qui ont succombé aux sirènes du spectacle. Le film de Gilliam, lui, se demande comment éviter de sombrer pour n'avoir pas été à la hauteur de nos rêves dérisoires, et si la vie n'est qu'un mur sur lequel notre élan se fracasse.


Bien sûr, l'homme dont le combat contre les producteurs a suscité un livre fameux (et la vie semblait déjà reproduire la fiction de Brazil), celui qui s'est acharné à réaliser ce Quichotte depuis un quart de siècle, ne pouvait pas se résoudre à une cynique désillusion. Qu'importe le Graal, pourvu qu'on ait l'ivresse : si la folie seule permet de s'acharner à de vaines entreprises, soyons fous - comme un boxeur essoufflé refusant de se coucher, comme un chevalier à la triste figure se brisant la mâchoire sur la réalité.


A quoi se mesurent nos réussites ? Refuser les rôles assignés ? Ca finira mal de toute façon.
(on peut aussi comme John Cleese, préférer somnoler dans son jardin à l'ombre d'un arbre)
Poursuivre la reconnaissance, s'échiner à se faire un nom - mais de qui Homère est-il le nom ?
L'artiste veut échapper à l'oubli, le passeur d'histoire entre dans la légende. Le conteur est le conte.


En tout cas c'est ce que j'ai compris.

ChatonMarmot
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le 24 mai 2018

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ChatonMarmot

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