Œuvre de science fiction atypique, qui nous raconte l’histoire d’un homme qui semblant avoir survécu à un crash aérien au Nouveau Mexique est détenteur de brevets technologiques très en avances sur les connaissances terrienne et grâce auxquels il se retrouve à la tête d’une gigantesque entreprise qui lui permettra de construire le vaisseau spatial qui lui permettra de retourner sur sa planète d’origine où il doit rapporter l’eau nécessaire à sa survie, son comportement étrange et sa résolution à vivre et agir dans le secret le plus absolu, conduisent les autorités à s’intéresser à lui et lorsqu’elles découvrent sa vraie nature à empêcher la réalisation de son projet.


Nicolas ROEG semble avoir écrit le scénario sur mesure pour David BOWIE qui était alors à une époque charnière de sa musique, tourné entre sa période glam rock où déjà son personnage de Ziggy Stardust était un écho au 2001, l odyssée de l espace (1968) et où quelques uns de ces tubes exploraient les thèmes de la science fiction et des voyages spatiaux et sa future trilogie berlinoise, le look qu’il adopte à ce moment et sans doute son addiction à la cocaïne lui confèrent un aspect physique particulièrement androgyne, un teint diaphane une maigreur extrême et sans oublier sa particularité oculaire devenant des arguments à l’incarnation de ce personnage. C’est d’ailleurs peut être une réserve que l’on peut faire à la prestation de Bowie, et qui est valable aussi dans son rôle de vampire dans le film de Tony SCOTT Les Prédateurs (1983) car dans ces deux films on a plus l’impression de voir David Bowie sur qui le temps ne semble pas avoir de prise, plutôt qu’un personnage incarné, même si sa prestation reste de très bonne facture et suggère ses qualités de mimes. Aux échos spatiaux de la musique de Bowie on peut également adjoindre l’ensemble dépressif qui transpire de ce film.


Néanmoins réduire le travail de Nicolas Roeg à cette simple utilisation de l’univers du chanteur ne serait pas lui rendre le juste hommage qu’il mérite. La symbiose entre ce qu’apporte Bowie au film et la vision artistique voulue par Roeg est parfaite. Le réalisateur joue sur les incertitudes visuelles, les jeux d’écrans - ces derniers tenant une place centrale tant dans la narration et le développement du personnage - alternant séquences oniriques et symboliques avec des cadres d’une très grande précision et des jeux de caméra subtiles et toujours pertinent qui rappelleront dans leurs propensions à brouiller les frontières entre réalité et fantastique le cinéma futur de David LYNCH.

Le point de vue du spectateur est sans cesse appelé à s’interroger passant avec brio d’une séquence où il est placé en tant que témoin humain à une autre séquence où cette fois il adopte le point de vue de cet homme venu d’ailleurs, notamment la scène où il se dévoile en enlevant ses lentilles de contacts et montre son vrai regard, un regard capable de voir au delà des possibilités humaines, au delà du spectre visible mais aussi des limites temporelles, ainsi un plan brillant nous montre Bowie voir distinctement des pionniers de l’ouest américain, comme si le temps n’était qu’une boucle et que le passé est toujours conjugué au présent et le futur déjà là.


Ce sont donc les thèmes du temps qui passe et l’incapacité de l’être humain qui sont au cœur de cette histoire mêlant science fiction, fantastique et philosophie. Les symboles des miroirs et des reflets, les lunettes et autres microscopes qui soulignent cette tare humaine à ne pas pouvoir appréhender la même réalité que notre extra terrestre ou la réaction de terreur lorsque le personnage féminin qui jusque ici aidait notre alien à saisir l’essence de la nature humaine concourent à explorer ces thèmes.


Roeg délivre une vision socratique qui souligne les limites de la nature humaine et la défiance du regard, une scène de ballet japonais simulant un duel au sabre illustre parfaitement cet antagonisme entre une perception artistique et une perception plus profonde quant à la véritable nature violente de l’homme, ce qui pousse le héros à fuir quand les autres spectateurs sont hypnotisés et incapables de voir au delà de l’illusion du réel.


Le travail apporté sur le sound design est lui aussi magistral et finit de nous plonger au cœur de ce récit et la mise en scène inspirée de Roeg sont sublimes et pertinents tant sur le plan esthétique et formel que dans le propos du film. Sa conclusion à la fois brutale et nihiliste où l’homme étranger à cette planète ne supportant plus ce qu’il voit se mutile pour de clairvoyant devenir aveugle et donc l’égal de l’humanité qu’il est désormais condamné à côtoyer, est au delà du pessimisme de façade qu’elle affiche et pousse à se questionner sur le confort de l’illusion.

Spectateur-Lambda
9

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le 6 oct. 2022

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