J’ai été étonné de voir que le film datait de 1975. Bizarrement, je pensais qu’il datait des années 60, et cela aurait confirmé mon impression que c’est dans cette décennie que le cinéma occidental a atteint une forme d’apogée. Mais tant pis. De toute façon, années 60 ou pas, c’est là un pur plaisir de cinoche à voir et à revoir, qui ne s’épuise nullement aux revisionnages.

Il est vraiment incroyable de constater à quel point l’image de ce film de presque quarante ans est belle. Pas clinquante, pas tape à l’œil, mais l’air de rien, ne serait-ce que visuellement, Huston enchaîne les séquences d’anthologie, nous dévoilant les déserts et les cités rêvées d’au-delà de cette Inde exotique dans toute leur sèche majesté.

L’homme qui voulut être roi, c’est aussi et même avant tout un film de duo. Sean Connery et Michael Caine, deux personnages parfaitement imbuvables dans leur sentiment de supériorité britannique et maçonnique, mais que le comique et le grotesque de leurs aventures rend malgré tout sympathiques. Je ne m’en souvenais pas bien, mais le film compte quantité de répliques drôles où les deux acteurs s’en donnent à cœur joie et font dire des horreurs à leurs personnages. Pour émettre un bémol dans ce panégyrique, je me suis demandé si par moment Caine ne surjouait pas un peu, mais il me faudrait voir plus de films où il a joué jeune, n’ayant guère de référent, c’est difficile à dire.

Politiquement incorrect. Il faut dire que la nouvelle de Kipling dont le film est adapté pouvait laisser le lecteur interrogatif, hésitant entre dénonciation de la mission civilisatrice et le constat désolé de son échec, son auteur étant d'ailleurs connu pour épouser la mystique colonialiste. Enfin on ne jettera pas ses œuvres au feu pour ça, ce serait a contrario peut-être du politiquement correct, mais à mon avis le film réussit simplement à transcender le matériau d'origine comme rarement.
Car Huston est un malin. Son film a tous les éléments et les atours de l’aventure, de l’exotisme et du romantisme, car c’est ce qui plaît (et qui me plaît) mais en réalité, comme dans certains romans de Conrad et Stevenson, comme dans Lawrence d’Arabie, il ne les prend que pour les subvertir et mettre à nu l’arrogance occidentale. Les traits d'humour savent orienter le film comme il le faut. Quant à Kipling, c'est ici un personnage de l’histoire, là où le narrateur qui reçoit la **** à la fin était inconnu, comme pour peut-être signifier qu’ici il n’est qu’un individu parmi d’autres, qui ne va pas nous livrer SA vérité.

J’avais hésité à mettre ce film dans mon top 10 à mon arrivée, alors que plus jeune c’était un de mes préférés, mais aujourd’hui plus d’hésitation. Ainsi donc Barry Lyndon (j’aime toujours, ça n’empêche pas, mais je n’y suis pas si attaché) va gentiment s’incliner et laisser la place. Une place de Roi.
Silentium
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le 21 sept. 2014

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Florent

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