L'Humanoïde
4.1
L'Humanoïde

Film de Aldo Lado (1979)

Richard Kills: Metropolis sauce Star Wars-Blanche Neige avec des vedettes de James Bond


Petit plaisir (coupable ?) de cinéphile



Petit plaisir (coupable ?) de cinéphile, L'Humanoïde n'est pas, comme on le peut lire souvent un plagiat de Star Wars. Car pour l'être, il devrait être le plagiat du Star Wars de Fritz Lang et des Frères Grimm réalisé en tant qu'épisode de Dr Who.
L'Humanoïde, ce n'est pas du plagiat, c'est de l'intertextualité peu fine mais riche: il ne se passe pas dans une galaxie très très lointaine mais sur notre planète dans un futur très très lointain, aux allures de Star Wars.
Le pitch dans ses grandes lignes ? C'est celui du film qui donne son nom à la capitale de notre planète dans cette anticipation: Métropolis. Un dirigeant fou fait appel à un savant fou pour créer un être diabolique afin de semer le chaos à Métropolis. Remplacez Maria par Barbara, l'androïde par l'Humanoïde, Freder par Nick et Rotwang par Kraspin et vous voilà devant l'Humanoïde !
Les plans de dessous de vaisseau fendant l'espace, la planète désertique avec des hommes armés de fusil, l'intérieur du vaisseau du méphitique Lord Graal, jusqu'à l'apparence du même Lord Graal, tout ça, oui, c'est du Star Wars. Et parfois même du Star Wars avant l'heure quand on se dit que le duel final entre le héros et son antagoniste ressemble à s'y méprendre au final du Retour du Jedi qui ne sortira que deux volets et quatre ans plus tard. Et même du Indiana Jones et la dernière Croisade pour la fin de la grande méchante mais, ça, c'est une autre histoire ...
Ce sont les petites lignes qui enrichissent l'intrigue de mille intertextualités.
D'abord, le personnage éponyme, le fameux humanoïde, homme grand et foncièrement bon qui, psychiquement manipulé par un savant cruel, s'en vient tuer et va jusqu'à traquer une femme. C'est le Dr Caligari ou je ne m'y connais pas.
Le design de certains soldats font moins penser à Vador qu'aux Sontariens de la série Dr Who, de même que le chien-robot du colosse qui se fait un mix très agréable et drôle, parfois émouvant, de K-9, le chien robotique du Docteur et d'R2-D2, le célèbre petit robot de la saga de Georges Lucas.
De même le nom du grand méchant, Lord Graal et sa quête d'un artefact exigé par le Dr Kraspin ou encore la lutte entre les clans de l'univers et l'idée d'un enfant envoyé pour ramener l'ordre et l'harmonie font immanquablement penser à la matière de Bretagne et ces cycles arthuriens.
Et Lady Agatha, la grande méchante - car, oui, il y a surtout une grande méchante ! - , permet de brasser aussi à elle seule plusieurs autres références des plus littéraires aux plus cinématographiques. Méchante Reine prête à se nourrir de la jeunesse de simili-Blanche-Neige "Leia-Rey avant l'heure" de l'espace en tirant d'elle un philtre de jouvence, elle fait avant tout allusion au conte bien connu. Les airs froids et méchamment satisfaits que prend la belle Barbara Bach, en plus de son costume et de la photographie qui met en valeur ses yeux, tout fait d'elle un véritable décalque du personnage selon Disney en 1937 ! On la compare aussi et à raison du fait de sa soif de sang, de son teint pâle, de son costume sombre à un succube, pire à une vampirella. Le thème du vampire, quoique détourné et discret est bien là. Et, pour le servir, le thème du savant fou et une belle inventivité horrifique inspirée des veuves de fer pour aspirer le sang des jeunes femmes, qui n'est pas sans rappeler un autre chef-d'oeuvre d'horreur italien sorti presque vingt ans plus tôt: Le Moulin des supplices. Horreur et érotisme qui tirent L'Humanoïde, space opéra, sur les terres du giallo.
Pour finir, le véritable héros de cette histoire, au nom de GPS, est un petit tibétains aux facultés psychiques surnaturelles. On pourra penser au mentor du 3e Docteur ou même aux nombreuses méditations victorieuses du 5e Docteur de la célèbre série de space opéra britannique née en 1963. Il est plus certain que ce soit l'influence d'un intérêt grandissant pour la méditation et la sagesse orientale des années 70-80 qui, en cette année de bascule - 1979 - ait inspiré ce choix qui vient complexifier encore cet univers sur-intertextualisé.
Brassant tant de références et sans doute plus encore, L'Humanoïde n'est pas un mauvais film: c'est un excellent space opéra qui souffre simplement soit de la mauvaise inutrition de ses nombreuses sources d'inspiration soit de sa façon d'égrainer celles-ci scolairement comme sur une copie d'élève.



Du nanan pas nanard pour Bondophiles



Il est des films, souvent italiens d'ailleurs, qui, qualitatifs ou non, parlent au coeur des amateurs des aventures EON de l'agent 007. Citons pour exemple Opération frère cadet, Bons Baisers de Hong Kong, Mad Mission 3. Le duo Claudine Auger-Barbara Bach, qui fait se rencontrer les principales James Bond Girls d'Opération Tonnerre et de L'Espion qui m'aimait, illustre très bien l'écart de niveau que peuvent revêtir ces films: du cinéma italien bis (le giallo La Tarentule au ventre noir - qui ne sait pas encore que son héros participera au Casino Royale de 2006 mais fauche tout de même la belle Barbara Bouchet de celui de 1967) au film d'auteur (Un peu de soleil dans l'eau froide, librement adapté de Sagan).
L'Humanoïde permet aussi la rencontre de Barbara Bach, la dernière James Bond en date alors et de l'une des nouvelles James Bond Girls qui débarquent sur l'écran cette année-là, Corinne Cléry, vue dans Moonraker. Soit la rencontre de la belle Anya Amasova XXX, qui ne doit pas ses X à ses nombreuses photos de charme et ses quelques scènes de nue dans des gialli, et de l'héroïne passive d'Histoire d'O et d'Hitch-Hike, à faire pâlir et se mordre la lèvre jusqu'au sang à l'Ana des Cinquante nuances de Grey. Les deux belles ne se limitent cependant pas à des rôles d'attrape-gogos sexy, car elles figurent la véritable héroïne et la véritable antagoniste du film au nom desquels luttent leurs alter-ego masculins.
Et , pourtant, le film ne mise pas sur elles mais bien sur le monstre à la mode du diptyque bondien de cette fin des années 70: Richard Kiel alias Jaws ou Requin en version française, qui montre ici plusieurs facettes de son jeu, tantôt vieux combattant oublié en marge de l'univers, barbu et râleur, cloîtré avec son chien et simili-Requin justement. L'intérêt est de le voir jouer les Chewbacca aussi, quand on sait que Prowse et lui se sont échangé les rôles, avant que ce dernier ne soit choisi pour incarner carrément le Seigneur Sith à la respiration si singulière.
L'occasion de rappeler que le duo Barbara Bach-Richard Kiel, excellent en face à face dans L'Espion qui m'aimait, a souffert dans L'Ouragan vient de Navaronne avant de briller à nouveau, quoiqu'à distance dans L'Humanoïde. Une grande histoire de complicité entre la belle et la bête bondienne que l'on comparait sur des photos de post-production d'un des meilleurs opus de la saga EON.
Un réel plaisir pour les fans de la franchise du plus complet des agents secrets, pourvoyeur de films bis italiens dans les années 70.



Plaisirs sadique ou poétique et déceptions fantastique et musicale



Que retenir de ce métrage ?


Points forts, un monde oriental transcendé et bien intégré à un univers de fantasy et un engin de meurtre-torture sadiquement jouissif !
Tom-Tom, le petit tibétain, joue à former des doubles spectraux et est aidé par des archers blancs non moins fantômatiques tirant des flèches de néon bleu. Voilà un apport plaisant à l'imitation de l'univers de Lucas, transformant les Hommes des sables de Tatooïne en créatures plus mystérieuses et merveilleuses, en personnel merveilleux sur une nef de lai médiéval qui se fond dans un soleil couchant orang sur fond rouge, clôturant le film. Une grande poésie et une créativité qui remet en cause la réputation plagiaire made in Nanarland de L'Humanoïde. L'occasion de rappeler à nos amis du site sus-présenté que plagiat et intertextualité n'est pas même chose.
Autre point fort, cette machine comme une vierge de fer couverte de seringues en lieu et place des piques d'acier mortelles qui s'impriment sur la peau et le corps des victimes que la machine écrase et presse comme des oranges pour en tirer le liquide rouge vital dans des hurlements d'effroi et de douleur impressionnant. Si cette folle invention - que n'auraient pas niée Jean-Claude Forest et son orgasmatron ni Clive Barker et ces Cénobites - reste trop peu employée tout au long du film, ses apparitions restent efficaces et marquantes.


Points faibles, la métamorphose en Humanoïde et le fond musical.
Car la métamorphose de Richard Kiel est toute en suggestion, disons même en ellipse ! Le pauvre bougre tombe à l'eau, entraîné par un missile, cela fait des bulles et, PAF !, ça ne fait pas du Chocapic, cela rase et enrage le gentil barbu pour en faire un Jaws sans dents de fer, un Hulk qui n'est pas vert. Il est à supposer que l'équipe de réalisation était consciente d'un manque de budget pour créer une métamorphose digne de ce nom - et c'est une bonne chose de reconnaître ses limites - mais il eût été meilleur encore d'engager plus de budget pour en proposer une tout de même, qui puisse tenir la route. Car c'était un moment de bravoure attendu par le spectateur ...
Autre déception, la musique. Les sons, dignes de Star Wars, sont, eux, très convaincants. Dans ce cas, on comprendra pourquoi la présence d'Ennio Morricone aux commandes de la piste musicale peut décevoir, tant l'attente est, là aussi, très grande. Hélas, si la bande originale reste bonne, elle semble en parfait décalage avec son sujet. C'est comme si l'on regardait Star Wars avec la musique de Mon nom est personne en fond. Ce n'est pas mauvais, c'est assez étrange. Pas gênant, quand on sait s'adapter à une esthétique inattendue mais déroutant.


En conclusion, L'Humanoïde plaira aux cinéphiles ouverts et érudits qui acceptent une simplicité de citation et aux fans de James Bond. Aux autres, tentez votre chance ou passez votre chemin vers d'autres galaxies.

Frenhofer
7
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le 16 avr. 2021

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