L’étymologie d’idéal vient du latin idealis qui signifie “à l’opposé du réel” ; quelque chose qui nécessite l’entendement, l’imagination pour exister. En effet, il est irréaliste de constater à quel point ce film est mauvais et à quel point il faut faire preuve d’imagination pour y trouver un aspect positif…
L’Idéal est le deuxième (et j’espère le dernier) film réalisé par Frédéric Beigbeder sorti en salle le 15 juin. Adapté de son propre roman sorti en 2007 Au secours pardon, nous retrouvons le personnage principal de 99 Fr, Octave Parango précédemment interprété par Jean Dujardin. Dans l’Idéal c’est Gaspard Proust qui s’empare du rôle afin de poursuivre les aventures de ce personnage singulier.
Après avoir quitté le monde de la publicité, Octave Parango s’est converti dans le « model scouting » à Moscou. Sa vie est rythmée par la chasse aux top-modèles, les partouzes géantes, la drogue et le luxe. Jusqu’ici rien d’anormal. Mais pendant ce temps, dans les locaux parisiens d’une grande marque de cosmétique nommée « l’Idéal », un scandale éclate et met l’image de la société en péril. En effet, la sex-tape de leur égérie, habillée en SS et donnant des coups de fouet à son partenaire en criant « Heil Hitler », est divulguée sur le net. Ni une ni deux, la grande patronne de la marque, interprétée par Jonathan Lambert travesti en femme, décide de faire appel à son vieil ami Octave. Elle compte sur son excentricité et son talent pour lui dégoter une nouvelle égérie. Ce dernier, accompagné par Valentina Winfeld (Audrey Fleurot), directrice visuelle autoritaire et frigide de « l’Idéal », s’envole pour la Russie dans une course contre la montre pour trouver LA femme Idéale (mineure de préférence).
Comme vous l’aurez compris, cette critique est loin d’être objective. Je tiens donc à préciser que n’étant pas du tout fan de Gaspard Proust, je suis entrée dans la salle de cinéma légèrement sceptique. Pourtant, belle âme que je suis, j’avais la ferme intention de laisser à l’acteur une chance de me séduire… Raté. Gaspard Proust fait encore et toujours du Gaspard Proust. Rien de nouveau, aucune proposition de jeu. Ses monologues monotones, rendus encore plus insupportables en voix-off et son regard vide face caméra ont eu raison de moi et j’ai, à plusieurs reprises, failli m’assoupir. Mais j’ai lutté pour garder l’œil ouvert dans l’espoir qu’Audrey Fleurot relèverait le niveau. Encore une fois, grosse déception. Je l’ai trouvé à contre-emploi et totalement ridicule. Mauvaise direction d’acteur ? Bon, on se rabat sur le sujet : l’univers impitoyable de la mode.
Avec une telle thématique il y a de quoi dire, il y a matière à proposer une critique intéressante et un point de vue original. La bande annonce vend cette suite de 99 fr comme une approche toujours aussi trash du monde merveilleux de la beauté. Pourtant, l’humour est bien moins incisif que dans le film précédent. On se retrouve embourbé dans une suite de répliques qui restent dans les limites du conventionnel, à l’image de ce film qui se balade de clichés en clichés sans jamais réussir à les employer de façon intelligente pour créer une bonne satire.
« La vie est un casting »
Et la femme un bout de viande.
Avec un discours cynique ou pragmatique, Octave Parango dévoile tout au long du film sa vision de l’univers de la mode. Bien entendu il ne faut pas prendre ses paroles au premier degré. Son personnage désabusé se place comme l’anti-héros parfait et pourrait paraître sympathique aux yeux des spectateurs. Sauf que, manque de pot, à force de se revendiquer « roi des connards » toutes les deux minutes, on finit par ne plus y croire du tout.
Tout le long du film ce personnage surfe sur les clichés misogynes, s’y plonge, s’y noie pour ne plus laisser échapper de sa bouche que quelques gargouillis répugnants. Avec une notion très élaborée de la beauté, il ne voit à travers les femmes qu’une potentielle source de revenu. Il les observe, calcule leurs mensurations, leurs tailles, la symétrie de leurs visages, leurs âges… Le propos est poussé plus loin encore avec une scène de casting durant laquelle il modifie les corps des modèles à l’aide d’effets spéciaux douteux. Il les agrandit, les amincit, comme les retouches « rigolotes » que l’on peut faire sur une tablette. Donc bon, oui, oui, la femme est un objet dans l’univers de la mode, elle est possédée par ceux qui créent les normes… Nous l’avons bien compris. Mais encore ?
Un repentir bidon
Après avoir fait divaguer ses personnages entre répliques snobs et cyniques, entre jets privés et Big Party cocaïnées, Beigbeder propose un retournement de situation à peine prévisible. Puisqu’il dévoile sa vision d’un univers dictatorial des normes et qui, paradoxalement, ne s’impose pas de limites à lui-même, l’auteur décide de faire un rappel à « l’essentiel ». Le réalisateur apparaît brièvement lors d’une scène de fête et entame un discours aseptisé sur l’existence : « Party is not fun. Life is fun… » Mais quelle belle philosophie de vie ! Vite que je jette ma cocaïne dans les toilettes, que j’aille courir dans la forêt et cueillir des champignons… Apparemment Octave Parango s’octroie une prise de conscience de la sorte. Son univers de faste et de paillettes lui semble soudainement vain lorsque, après une soirée bien arrosée, il se fait rouer de coup par des FEMEN. Là encore, l’utilisation des clichés n’est pas assez aboutie pour que le spectateur croit réellement au désir du personnage de quitter son train de vie.
Les aspects faussements politiques du film atteignent leur apogée dans une des scènes finales. Cette scène ressemble à une excuse que l’on présente à une personne lorsqu’on la bouscule dans le métro : dénuée de toute sincérité. Après avoir prôné la dictature de la beauté et de l’argent, Frédéric Beigbeder nous propose une fin encore plus ridicule que le reste du film. « La beauté est en réalité partout et il n’y a rien de plus authentique que la nature… » Saupoudrez le tout d’une histoire d’amour naissante entre la directrice visuelle insensible d’Idéal et une ex de Parango… Emballez, c’est pesé ! Générique…
… Les lumières s’allument à peine, je remballe mes affaires et vite que je sorte d’ici pour oublier ce que je viens de voir. On m’a promis un Idéal mais j’ai vécu un enfer.