Filmer un territoire. Un été sur une île de loisirs en région parisienne. Terrain d’aventure, de drague et de transgression pour les uns, lieu de refuge et d’évasion pour les autres. De sa plage payante à ses recoins cachés, l’exploration d’un royaume de l’enfance, en résonance avec les tumultes du monde. A la recherche de sensations perdues. Guillaume Brac a bien du talent. Ancien de la Fémis, réalisateur de beaux court (Le naufragé, 2009), moyen (Un monde sans femmes, 2012) et long (Tonnerre, 2014), il s’inscrit vraiment, définitivement, dans le sillage de ce cher Eric Rohmer, grand amoureux des mystères et l’indécision, forcément universels, de la jeunesse. Et puis, vive les saisons des contes ! Un monde sans femme se passait durant la dernière semaine d’août sur la côte picarde ; Tonnerre pendant l’hiver dans un petit village en bourgogne. Cette fois, avec ce documentaire, qui sort justement à la faveur de l’été, il pose sa caméra – avec poésie et légèreté – sur l’île de loisirs de Cergy Pontoise – un lieu vivant, grouillant, que Brac associe à des souvenirs très précis, les ravivant avec émerveillement. Que filme-il au juste ? Des gens de tout âge qui (se) racontent des histoires. Des corps qui s’agitent. Des mots sur lesquels on achoppe. Des enfants qui jouent dans les bassins. Des ados qui s’échangent leur snaps, des numéros, des jeunes « vous et moi » qui flirtent, qui bouillonnent. Il y a une recherche du bonheur évidente dans ce lieu de baignade : c’est solaire en apparence mais c’est sombre aussi tant vu de loin, l’île peut ressembler à une prison, frustrant amours et désirs. La caméra de Brac s’attarde plusieurs fois sur le retour à l’ordre de visiteurs, sur le dirigeant du parc dans leur bureau. «Nous sommes partout, il y a des caméras» assure un vigile à un enfant qui a voulu entrer dans le parc sans payer. La transgression est exacerbée dans les séquences nocturnes, là où le film s’avère peut-être le plus beau («on cherche à se stimuler, à vivre, on veut passer outre les interdits, on veut se sentir vivre» ; «C’est trop bon, la vie est belle», assènent les ados frondeurs). A l’heure où ils errent sur l’île, l’accès est interdit, la sécurité rode, la jeunesse transgresse. Elle vit, elle brûle. Le film se finit comme il doit se finir : sur la fin des vacances. Le temps passe mais l’adolescence ne change pas.