Avec L’Île au trésor, Guillaume Brac s’éloigne de la fiction pure pour proposer un documentaire d’une simplicité apparente mais d’une richesse profonde. En filmant un été au sein de la base de loisirs de Cergy-Pontoise, il capte avec une justesse rare la beauté des petits riens et la diversité des existences qui se croisent dans ce microcosme. Sans jamais forcer le trait, il nous immerge dans un espace de liberté où le réel devient du cinéma. Parce que le plus dur, parfois, c’est de faire simple.
C’est un casting sauvage naturel et attachant.
L’une des forces du film repose sur ses protagonistes, tous non professionnels, que Brac filme avec une curiosité bienveillante. Jeunes adolescents insouciants, familles en quête d’évasion, vigiles ou moniteurs, chacun devient le héros éphémère d’une chronique estivale où les dialogues, souvent drôles et touchants, semblent saisis sur le vif.
Il y a quelque chose de fascinant dans la manière dont le réalisateur donne une voix à ces figures anonymes, leur laissant l’espace d’exister pleinement. Les conversations, parfois anodines, deviennent des fragments de vie universels. Une simple anecdote, comme celle de l’homme au lac, prend alors une dimension presque poétique.
Un regard cinématographique sur le réel
Visuellement, L’Île au trésor oscille entre captation brute et composition soignée. Brac et son chef opérateur, Alan Guichaoua, savent magnifier ce décor de loisirs populaire. Les plans du lac, de la forêt alentour ou des toboggans aquatiques offrent une esthétique à la fois documentaire et onirique, transformant un lieu ordinaire en un véritable territoire de fiction.
Ce regard sur l’authenticité du quotidien évoque Diamant brut (2024) d’Agathe Riedinger, qui suit une jeune femme rêvant de célébrité en explorant avec réalisme son environnement social. Les deux films partagent cette manière d’observer des trajectoires sans filtre, en laissant exister les corps et les voix sans artifices.
On pourrait aussi penser à Perfect Days (2023) de Wim Wenders, qui capte la poésie des gestes répétitifs et de la simplicité des jours qui s’enchaînent. Dans L’Île au trésor, cette observation se retrouve dans les habitudes des surveillants de baignade, dans la manière dont les adolescents reviennent jour après jour aux mêmes endroits, comme s’ils cherchaient à suspendre le temps.
Enfin, Tous en corps (2022) de Cédric Klapisch, bien que plus scénarisé, partage avec L’Île au trésor une certaine spontanéité, une attention aux mouvements et à la façon dont les espaces influencent les êtres qui les traversent.
Le film est varié, le reflet d’histoires multiples.
Ce qui frappe, c’est la diversité des trajectoires qui se croisent au fil du film. Chaque personnage, qu’il soit un enfant en quête d’aventure, un adolescent qui découvre l’amour ou un adulte qui travaille tout l’été sous la chaleur, apporte une tonalité différente au film. Cette variété donne au film une profondeur inattendue : derrière la légèreté des situations, on perçoit des questionnements plus vastes sur l’enfance, la jeunesse, le travail, le temps qui passe.
Une faiblesse : une structure flottante ?
Si L’Île au trésor séduit par sa sincérité et son absence de filtres, certains pourront regretter un manque de construction dramatique. Il n’y a pas de progression narrative forte, ni de véritable climax. Le film avance au gré des rencontres, comme un album de souvenirs décousu. Ce choix, assumé, pourra sembler frustrant pour ceux qui recherchent un récit plus construit.
Un documentaire qui capte l’essence du cinéma de Brac. L’Île au trésor est avant tout une célébration du simple et du réel. Avec ce documentaire, Guillaume Brac confirme son talent pour filmer l’humain dans toute sa spontanéité. Il n’a pas besoin d’inventer des histoires : il sait que la vie en regorge déjà. Et c’est peut-être ça, la vraie richesse du cinéma.