L'Île aux chiens
7.7
L'Île aux chiens

Long-métrage d'animation de Wes Anderson (2018)

Je suis amoureux du cinéma de Wes Anderson depuis des années et il y a une chose que je n'avais pas encore compris chez lui. Dans La famille Tenenbaum, le chien des enfants de Ben Stiller qui se fait malencontreusement écraser par un Owen Wilson défoncé, dans Moonrise Kingdom, ce petit toutou qui reçoit une flèche meurtrière durant une bataille entre deux clans d'enfants. Ou encore le chat de Jeff Goldblum qui termine défenestré par un William Dafoe terrifiant. J'ai de ce fait pensé que Wes avait un léger problème avec les animaux de compagnie mais je suppute au final que c'est tout l'inverse...
Isle of dogs, qui à l'oreille sonne en I love dogs, nouveau film d'animation après son Fantastic Mr Fox nous emmène cette fois ci dans un Japon dystopique qui décide à travers la voix de son maire de se séparer de l'ensemble des chiens touchés par une grippe contagieuse sur une île abandonnée. Avec ce postulat, Wes Anderson désirait rendre un hommage à Akira Kurosawa et à son cinéma en imaginant comment le maître aurait pu traiter une telle histoire avec de réels chiens et son adresse pour le drame. Et plus qu'un hommage, en écrivant ses personnages canins comme des humains avec leurs personnalités propres, qualités et défauts, il s'approprie les Samouraïs de Kurosawa pour les recracher avec son style, cocasse, décalé et s'engage dans une direction proche des derniers instants de son illustre modèle lors de son ultime testament intitulé sobrement " Rêves ".


Vibrant hommage mais pas que, car en huit films, Anderson nous à déjà emporté dans un univers unique décliné dans une narration qui conserve une structure souvent identique mais qui permet à ce fabuleux conteur d’histoires d’innover constamment avec une technique, une minutie et un sens du détail qui ne cessent de s'étoffer avec le temps. Et d'y apporter ce même questionnement à la famille et notamment ce rapport à la figure paternelle, qu'ils soient campés par les égoïstes mais très attachants Gene Hackman, Bill Murray, Goerges Clooney chez les Tenembaum, The Life Aquatic with Steve Zissou et dans le terrier de Fantastic Mr Fox, qu'ils fassent père de substitution, du côté de Moonrise Kingdom et du Grand Budapest Hôtel avec Bruce Willis, et Ralph Fiennes, ou qu'il soit la raison d'un voyage de 3 frères en Inde, l'ombre du père plane constamment. Elle est ici incarné par un Maire à la soif de pouvoir destructrice mais contrairement à ses précédents films ne cherche pas forcément à délier les liens noués entre eux mais à nous entraîner sur ce qu'un animal de compagnie peut apporter lorsque le manque affectif est présent et ce que l'enfant est capable d'accomplir pour sauver son ami. Pour en revenir au prologue de cette critique, Wes livre en fait ici un très beau tableau sur notre rapport vis à vis des animaux, la façon dont on les considère et ce synopsis de départ d'abandonner sur une île des chiens soudain devenus nuisibles peut parfaitement se refléter sur les milliers d'abandons pour diverses raisons et questionne sur le rapport de l'enfant à l'animal et sa façon de le gérer.


Mais là ou se situe la vraie force du récit et qui était déjà présent dans son hôtel Hongrois, c'est dans son rythme parfaitement maitrisé. Son humour, toujours dans le bon tempo qui fait mouche à chaque fois et offre un sentiment de bien être permanent, ses scènes d'actions qui avec son parti pris de travailler en stop motion avec des marionnettes ont un charme fou, son écritures des personnages qui offre un caractère propre à chacun et sa petite touche d'émotion n'est jamais dans l'excès.


Isles of Dogs est une nouvelle petite perle de son réalisateur, le fait de passer à l'animation ne fait rien perdre du charme de son cinéma tant ses films en prises de vues réelles semble imaginer comme tel. En découle, une très belle fable humaniste très inspirée plongé dans un Japon imaginaire qui mélange deux cultures avec une bienveillance et un savoir faire qui forcent le respect.

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le 6 avr. 2018

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