J’aime beaucoup les films de Wes Anderson et les films d’animation en stop-motion. L'Île aux chiens ne pouvait donc que me plaire ! On est immédiatement plongé sans l’univers de Wes Anderson, avec ces décors stylisés fourmillant de détails, dans un monde carré, droit et symétrique. Sur le fond et sur la forme, c’est un film 100% "wesandersonien". Quant à l’animation en stop-motion, elle est magnifique. Le scénario et les dialogues sont très bons et cerise sur le gâteau, y'a des chiens !
Au japon, dans la ville de Megasaki, le maire Kobayashi a banni tous les chiens sur Trash Island, craignant une épidémie de grippe canine. Le scientifique Watanabe insiste sur le fait qu’il y aura bientôt un remède, mais personne n'en tient compte. le jeune Atari Kobayashi s’envole vers l’île à la recherche de son chien Spots. Il est assisté de cinq chiens qui ont voté à l'unanimité (ou presque) pour l’aider à trouver Spots. Le chien errant Chief est le seul à voter non, car il refuse d’avoir un maître. Ils partent à la recherche de Spots, tandis que le maire amoureux des chats planifie la solution finale pour exterminer tous les chiens.
Tous ces chiens, qu'est-ce que c'est mignon-tout-plein, qu'est-ce que c'est beau ... mais qu'est-ce que c'est perturbant aussi ! L'Île aux chiens c'est l'opposition absolue entre la forme et le fond. Autant la forme est de toute beauté, autant le fond est très sombre. Tous ces chiens sont tellement attachants. Leur déportation sur l'île nous amène forcément à nous interroger sur la relation que nous entretenons avec les chiens et plus largement avec les animaux, tels que la maltraitance, l'expérimentations animales à des fins scientifique et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.
L'Île aux chiens peut aussi être vu comme une allégorie sur le traitement inhumain qui est réservé aux migrants, dont la population du pays "d'accueil" ne veulent pas. On peut évoquer le rejet des migrants, mais aussi des minorités qui sont discriminées (socialement et économiquement), voire même condamnés à une ségrégation (sociale et spatiale). Comment ne pas penser aux ghettos juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, à l'apartheid raciale en Afrique du Sud ou encore aux minorités de la population japonaise encore exclues aujourd'hui. Comme illustré dans le film, certains politiciens corrompus utilisent sans vergogne la peur et la propagande pour étouffer la voix des scientifiques ou des opposants et pour leur faire accepter certaines idées ou doctrines douteuses.
Il y a bien sûr ce japon regorgeant de traditions magnifiques que Wes Anderson met à l'honneur, mais en contraste il y a aussi ce futur froid, pollué que nous sommes en train de construire pour les générations futures. Wes Anderson nous offre une fable humaine et écologiste, un film très beau et très émouvant qui soulève bien plus de questions qu'il n'y paraît au premier abord. Par ailleurs, il met l'accent sur l'importance du langage et le besoin de vivre ensemble. Quel que soit sa langue (anglais, japonais, aboiements ...), l'important c'est de communiquer et de vivre ensemble.
Tout comme pour Fantastic Mr. Fox, le film est d'abord et avant tout un film pour les enfants et les grands enfants (comme moi). Les films d'animations ne sont pas que pour les enfant, mais je crois qu'il faut tout de même garder un œil d'enfant pour apprécier pleinement ce film. Il y a beaucoup de séquences très naïves et amusantes, comme le chien Oracle qui a des visions (il regarde la télé des humains) et qui se tourne vers la caméra avec son air ébahi ou encore la chouette et ses hululements.
J'ai beaucoup aimé L'Île aux chiens, mais c'est tellement puissant sur la forme, qu'on perd un peu en émotions. Depuis À bord du Darjeeling Limited, ses films sont incroyables d'un point de vue technique et artistique (décors, mise en scène et découpage des plans), mais le fond l'est un peu moins. A son début de carrière (Rushmore, La Famille Tenenbaum et La vie Aquatique), c'était l'inverse, des films peut-être moins aboutis visuellement, mais beaucoup plus forts émotionnellement.
Même si j’ai beaucoup aimé L'Île aux chiens, sa mise en scène très structurée et implacable me fatigue à la longue. En live-action, je peux m’impliquer avec les acteurs, mais en stop-motion je me sens moins connecté à ces figures artificielles. Quand on découvre les premiers plans en stop-motion du film et la mise en scène toujours plus inventive, on ne peut qu'être émerveillé, mais le style "wesandersonien" m’use légèrement sur la fin. Toujours est-il que c’est tellement mignon-tout-plein et drôle, que je lui pardonne son maniérisme exacerbé.