Il l'avait déjà montré avec Fantastic Mr Fox, mais L'île aux chiens apporte confirmation que le style et la minutie de Wes Anderson s'accorde parfaitement avec le cinéma en stop motion. Le contrôle image par image permet en effet au cinéaste de maitriser de manière encore plus méticuleuse les moindres mouvements de ses personnages ainsi que leur place dans ses cadres très travaillés.
On pourrait craindre que cette maitrise extrême ne donne naissance qu'à un film un peu froid tellement il serait sous contrôle. Finalement il n'en est rien car ce serait sans compter sur trois éléments caractéristiques des films du monsieur qui donnent leur splendeur à chacun de ses films.
En premier lieu l'écriture des personnages. Alors que les précédents films d'Anderson se concentraient surtout sur les rapports familiaux, ici, bien qu'il soit encore question de la relation entre un père et son fils, les rapports entre chiens tournent principalement autour des questions de clan et de relation maitre/chien. En cela, l'écriture de Chief, chien sauvage écartelé entre désir d'indépendance et solitude pesante, rentre au panthéon des meilleurs personnages Andersonniens. Comme Max Fischer dans Rushmore ou Steve Zissou dans La vie aquatique, il fait partie de cette galerie de personnages toujours un peu en marge de la société et à la recherche de l'intégration et de la reconnaissance d'un groupe, véritables vecteurs d'émotions.
Deuxièmement, la musique. Je ne suis pas fan d'Alexandre Desplat sur la plupart de ses films, mais je dois admettre que ses collaborations avec Anderson font des merveilles. Dans l'île aux chiens, c'est toute l'aventure qui va être dirigée au son des percussions qui ouvrent le film. Ces tambours battant typiques participent à la fois à l'atmosphère japonaise du film (on y aperçoit aussi sumo et sushi) mais instaurent surtout un rythme de marche militaire enfantine à l'aventure qu'est la traversée à pied de Trash island. Intercalées, apparaissent des musiques de films de Kurosawa qui elles aussi renvoient aux notions de clan et de maîtres (les sept samouraïs sont des ronins).
Finalement, les jeux de langage finissent d'humaniser ce petit théâtre de marionnettes. Le film joue sur la langue en conservant des dialogues en japonais et en s'amusant à les traduire de manières diverses et variées mais sans jamais les sous titrer. Les dialogues jouent aussi sur les voix avec un casting vocal aux petits oignons. C'est la beauté de Scarlett Johansson qui transparait dans sa voix envoutante lorsqu'elle double Nutmeg, la chienne de concours, de même qu'on perçoit la gueule cassée d'Harvey Keitel lorsqu'il fait la voix d'un chien aux allures inquiétantes.
L'île au chien apporte donc une nouvelle preuve de la maîtrise qu'Anderson a de son cinéma atypique, souvent imité mais jamais égalé.