L'ile nue est un film de SHINDO Kaneto. Son quinzieme pour etre plus précis; Et surement son deuxieme film le plus intimement important. Le premier était Les Enfants d'Hiroshima et le devoir de mémoire que SHINDO voulait plus que tout apporter. Sur L'ile nue ce sera différent. Il s'agit du film de la derniere chance, de la derniere possibilité de vraiment etre un cinéaste financierement et intellectuellement indépendant. Nous sommes en 1960 et la maison de production indépendante (Kindai Eiga Kyokai) qu'il avait créé quelques 10 ans auparavant est en crise, fleurtant avec la faillite. Ses derniers films n'ont pas eu le succes escompté. Il faut dire que sur le fond SHINDO est un incorruptible. Hanté par une conscience sociale, orientée communiste il faut l'avouer, ses oeuvres ne souffrent d'aucune concession thématique. Et alors qu'il joue sa carriere, SHINDO va quand meme rester fidele à ses principes et décide de réaliser un film anti commercial. C'est ainsi que muni d'un budget ridicule, et d'une équipe technique réduite, SHINDO va poser sa caméra sur les rives d'une petite ile proche d'Hiroshima. Proche de chez lui et de lui.
Minimaliste, documentaliste et naturaliste. Voilà trois adjectifs qui se fondent à merveille à toute tentative de description de L'ile nue. En posant sa caméra, SHINDO a décidé d'épurer le film de tout artifice, et meme plus. L'ile nue est ainsi une oeuvre muette, se déroulant au seuls sons des éléments naturels et d'une des plus belles compositions originales du cinéma japonais voir mondial. Le son du vent carressant les herbes et le score lanscinant de HAYASHI Hikaru se marrient à merveille avec la composition tout en douceur des plans de SHINDO dans lesquels la répétition des mouvements, et l'interet du détail composent sans mots un discours d'une rare justesse sur la condition humaine. Car il est, dans L'ile nue, surtout question d'universalité de valeurs humaines simples mais riches. La famille et son rapport à la terre, à la vie meme, ramene à ses concepts philosophiques épurés mais finalement complexes malgré leur apparente simplicité. On pense bien sur au mythe de Sisyphe dans la répétition invariable mais exigeante du labeur et de l'apport d'eau sur l'ile. Et cette parabole est un materiau brut dans lequel SHINDO inclue son idée de comportement primaire des hommes en cas de besoin de survie. Il poussera cette idée dans ses retranchements dans des films comme Onibaba ou Fukurou, mais dejà ici L'ile nue ramene aux besoins primordiaux et à l'acceptation du sort et de la destinée. La famille vit en effet à la merci des éléments et s'en complait avec une répétivité que l'on nugerait insuportable. Leur terre est leur sang et leur sueur. Leur unique préocupation.Leur vie.
Mais ce discours hautement allegorique ne serait rien, ou difficilement supportable, sans le parti pris de réalisation de SHINDO. Avec un scope rigoureux, le film s'attache aux petits riens de l'existence, ceux qui font les joies simples comme les douleurs traumatisantes. Cette famille depersonnifiée par l'ampleur de la répétitivité de leur tache s'en trouve alors humanisée. Et en devient donc attachante. Par ses gros plans teintés d'expressionnisme, et ses plans d'ensemble quasi documentaliste dans lesquels la nature est filmée dans sa splendeur sauvage donnent au film une dimension tragique mais jamais puissament pessimiste. Le pathos est judicieusement évité tout du long.
Hypnotique, l'ile nue est de ces quelques films dont la richesse thématique et formelle ne peut etre évoquée autrement que par le film lui meme. En jouant intelligement avec son budget limité et en refusant toute concession afin de satisfaire un large public, SHINDO a accouché d'une oeuvre puissament universelle. Splendide et magnifique.