Peu après son arrivée à Istanbul, un jeune professeur rencontre une séduisante jeune femme qui devient son guide et sa maîtresse, tout en refusant d'en dire plus sur son identité.
Ce qui entretient l’espoir durant la première demi-heure de film, c’est la flammèche qui anime les ventricules de n’importe quel petit cœur de cinéphile en quête du chef-d’œuvre méconnu et l’appui d’une photographie de qualité habillant Istanbul d’un noir et blanc magnifique, une Istanbul culturellement dépaysante dans laquelle les paroles adressées au ciel se réverbèrent sur les colonnes de mosquées millénaires.
Seulement voilà, l’éphémérité du dépaysement nous colle un joli glaçon entre la 2ème et la 3ème vertèbre en justifiant l’appréhension que l’on pouvait avoir au départ, celle de retomber dans les travers d’un Resnais certes beau mais soporifique, dans les souvenirs d’une douloureuse année passée à Marienbad.
Et ce qui heurte en premier, c’est cette façon de conduire les dialogues, ce hachage de la conversation entrecoupée de silences dans un environnement qui ne s’y prête pas , cette lenteur dans l’élocution, cette apathie qui habite les protagonistes qui semblent plutôt sortis d’une rave party joyeusement enfumée que d’une loge d’acteurs.
Le manque de verve dans le discours des personnages vient du fait qu’ils sont aussi vides que des huitres de grande surface, le réalisateur s’évertuant à conserver le mystère autour de la jeune femme et ne prêtant que peu de temps à Jacques Doniol-Valcroze pour creuser son personnage. Et en plus, les deux hirondelles ne parlent pas turc, il ne faut donc pas compter sur l’environnement pour les dévoiler un peu plus.
Si l’on ajoute à cela des regards caméra charmants mais inquiétants et des mouvements de cadre inhabituels dont on aimerait qu’ils aient un sens, on obtient cette petite historiette turque à la narration peignée de mystère. Des boucles se dessinent liant des frises temporelles qui semblent se superposer et le scénariste de l’Année dernière à Marienbad et réalisateur de ce film Alain Robbe-Grillet évoque le rêve au travers du ravissant personnage féminin. Un monde du rêve probablement censé expliquer le montage en puzzle 1000 pièces et tous les comportements étranges des figurants, des regards figés aux brusques freezes de dizaines d’âmes en plein bazar qui feraient passer The Tree of Life pour du Michael Bay.
En somme, L'Immortelle nous présente des personnages bien trop vides (le comble pour des voyageurs) pour se permettre un montage si saccadé et une lenteur si prononcée. L'Immortelle vous laisse déçus avec pour seules consolations les rythmes entraînants des chants locaux et la ferme conviction que votre prochaine toile ne pourra qu’être meilleure.