A bien des égards, L’Impasse semble faire figure de film bâtard dans l’histoire du film de gangsters. Pour Brian de Palma, c’est une suite spirituelle de Scarface, déroutante par la mélancolie qu’elle met en place, contrastant avec l’ambiance survoltée de son aîné. Pour Al Pacino, tout ceci a des airs de grande répétition avant le chef d’œuvre absolu qu’est Heat, de Michael Mann : on a le criminel coincé dans son milieu, la fille laissée sur le carreau, et cette mélancolie urbaine qui guide les errements d’un personnage perdu. Mais réduire L’Impasse à un entredeux serait médisant, car le film sait tirer son épingle du jeu, déjà par son aspect tragique : il n’y a pas d’échappatoire, on le sait dès l’ouverture, et les personnages auront beau se débattre, ils ne sortiront pas de leur condition, quel que soit leur rêve : c’est Benny Blanco, jeune premier aux allures de Tony Montana, petite frappe qui se prend pour un parrain, c’est Gail, qui se rêve danseuse de ballet mais est réduite à danser dans un club de strip-tease. Les autres seront broyés par le système, dans une danse macabre qui laisse pantois, entre les gangsters qui s’entre-dévorent, les amis qui se trahissent, tout ceci dans l’atmosphère disco de Scarface donc, mais qui cette fois semble dépourvue de vie. Il semble impossible de se sauver soi-même, ne reste qu’à donner à la génération suivante pour qu’elle se sorte du milieu. Mais la génération suivante, elle, ne pense qu’à une chose : supplanter celle qui la précède, dans un cercle vicieux infernal.