Sous son allure de film noir, Carlito's Way, comme il se fait appeler originellement, se pose comme la parfaite antithèse d'une autre oeuvre de Brian De Palma, Scarface.
Scarface est la montée d'un homme vers la gloire, le business et l'argent, avant la chute vertigineuse.
L'Impasse est le chemin tortueux, troué de balles et de coups bas, d'un homme qui cherche la rédemption.
Deux histoires qui divergent et convergent.
Et dans les deux cas, le fait de dégainer en premier ne garantit pas sa propre survie.
J'ai une préférence pour cette impasse dans laquelle Al Pacino livre pour moi son meilleur rôle, jouant un personnage au charisme monstrueux, Carlito... hanté et perturbé par ses penchants mafieux.
Carlito est un homme pour qui la nervosité n'est pas étrangère, mais il est également un grand sentimental. Ses coquetteries avec la charmante Gail, bien plus que la baise, font baisser la tension.
Carlito se faufile parfaitement dans un pessimisme ambiant auquel contribue une tripotée de premiers et seconds rôles aux qualités solides et aux perspectives résolument marquées.
Ils ne sont pas à la hauteur du duo de Sean Penn et Al Pacino, mais ils leur donnent un certain relief.
Sean Penn, puisque j'en parle, est l'un d'entre eux. Il est parfait dans la peau de David Kleinfeld, un avocat véreux un peu con et magouilleur, avec des lunettes rondes et une moumoute rousse sur la tête.
Comment ne pas aimer ce long-métrage s'inscrivant dans l'élégance gangsterienne ?
Il ne fait pas figure d'hapax en son genre, mais il est bougrement efficace.
Les musiques, c'est vraiment tout ce que j'aime. Entraînantes, et assez diversifiées.
Le récit, à la tonalité élégiaque, laisse planer le doute sur les aboutissants.
La mise en scène, elle, impressionne. Elle montre au travers de plusieurs séquences la maîtrise du réalisateur, qui n'a d'ailleurs pas tiré un trait sur l'aspect voyeuriste. On le voit avec la scène où Gail se déshabille.
Les scènes dans le night-club sont aussi des moments de bonheur ; on sait qu'à chaque fois que Carlito y met les pieds, un nouveau truc va s'y passer. La routine ne s'installe pas pour lui, ni pour le spectateur.
Et la traque angoissante de la fin... on atteint des sommets en matière de composition et de sensation. Il n'y a rien qui sonne faux, aucune tâche durant cette course-poursuite. C'est filmé au cordeau et surtout avec maestria, rien de plus adapté pour un thriller cérébral, à la fois nerveux et pessimiste.
Carlito, ou l'homme qui fait un doigt d'honneur à la pègre.
http://www.youtube.com/watch?v=J6QIWEmPwIc&hd=1