L'Impasse par Charles Dubois
La scène d'ouverture résume entièrement ce chef d'oeuvre des années 90. Maîtrise totale de la caméra, ralenti stylisés, musique ouvertement présente et un Al Pacino qui se surpasse.
Et pourtant cette scène d'ouverture contraste absolument avec l'ambiance festive, colorée et latino qui transcende le film. Les éclairages sont d'une justesse incroyable et créent instantanément des ambiances et jouent avec leurs personnages.
Les personnages (chose qui fait du bien à dire) son superbement écrits, profonds, touchants et personnels. Et royalement interprété. Pacino en tête, avec son look extra (lunettes de soleil noires, long manteau type cape en cuir... Il y aurait-il du Max Payne là dedans ?). Comme toujours il incarne avec justesse ce personnage de gangster qui tente à tous prix de se retirer du business mais est en permanence entraîné dans des spirales de violence par les personnages adjacents. A commencer par un Sean Penn excellent, au look improbable de jeune avocat véreux (rouquin, cheveux frisés, limite dégarni...) drogué jusqu'à la moelle et ultra violent. Dommage que les personnages de gangster soient un petit peu trop caricaturaux et amènent par ce biais un peu trop de comique pour que l'on prenne réellement ce drame à 100% (qu'ils soient Portos ou Ritals...). A moins que tout cela ne soit que purement volontaire ? De Palma chercherait - il littéralement à se moquer de ces personnages ? On avait déjà remarqué dans Scarface (comparaison obligée ; le réalisateur réutilise les codes de son plus grand succès) le dégoût profond pour ses personnages (tous plus ridicules les uns que les autres, il faut le dire.) là où un Scorsese semble émerveillé par ces gangsters qui représentent sont enfance New Yorkaise...
New York est bien là, comme toujours. A l'image de la fabuleuse scène finale qui se déroule à la gare Grand Central et qui nous assène d'un twist que l'on ne voit pas venir et qui surprend grandement.
TOUT EST MAITRISE AVEC BRIO.
La caméra nous filme des scènes d'anthologie (discussion au bar avec les méchants ritals, jeu de billard avec les portos), se tord (entrée dans le bateau de Penn, ouverture du film...) et offre un travail de recherche et d'analyse formidable à regarder. De plus il nous assène des plans en 35 mm à large focale (comme les scènes de voitures qui prouve un travail photographique exemplaire). A citer aussi les jeux de miroirs excellents, signature de son réalisateur, le travail du chef op', les travellings, les scènes à l'épaule... bref la liste est longue... très longue... De Palma sait où poser sa caméra et trouve l'endroit parfait à tous les coups.
Esthétiquement et scénaristiquement, son film est parfait. Dommage que l'horrible musique de Patrick Doyle vienne gâcher une B.O. bourrée de sons des années 70-80 et transforme chaque scène romantique et touchante (donne limite la larme à l'oeil tant Pacino interprète magnifiquement ce vieux gangster !!) en scène de sitcom minable qui déçoit.
Il faut en faire abstraction et savourer ce chef d'oeuvre, symbole parfait de l'esthétique des nineties