Dans la Chine du VIIIe siècle, l'empereur Huan Tsung est inconsolable depuis la mort de son épouse, et noie son chagrin et ses larmes dans la musique, la seule chose qui le fasse encore tenir debout. Arrive un jour, parmi ses nombreuses prétendantes, une jeune femme qui ressemble fortement à son épouse, au point qu'il daigne lui témoigner un peu d'intérêt, lequel va s'accentuer lorsqu'il voit qu'elle joue elle aussi de la musique.
C'est le premier film en couleurs de Mizoguchi que je vois, et j'ai trouvé ça magnifique. Aussi bien l'image, où tout a l'air de péter à l'écran, que dans l'histoire, qui est un mélodrame sur fond de guerre intestine. Car pendant que l'empereur est inconsolable, ses sous-fifres, en particulier le général An Lu-Shan, fomentent une révolution parce qu'ils lui reprochent de s'être trop refermé sur lui-même et de ne plus penser aux autres. Le souvenir de l'être aimé revient constamment dans cette histoire, avec cet homme qui se sent partir, mais qui n'a que faire des autres, et l'arrivée de cette jeune femme, va être en quelque sorte une porte d'entrée multiple. A l'amour comme à la guerre.
Au générique, j'ai été très surpris de voir que le film est co-produit par la Shaw Brothers ; on est bien sûr très loin du wu xia pian, les scènes de guerre étant plus suggérées qu'autre chose, mais ça représente, à travers une histoire chinoise, quelque chose d'intemporel ; l'impossibilité à faire le deuil, à surmonter la douleur, à vivre. D'ailleurs, au début, on voit l'empereur continuer à parler à son épouse défunte via une statue.
C'est tout simplement magnifique, et la façon dont le récit se conclut est un modèle d'épure ; peut-on parler d'un mélodrame majeur ?