Voilà un film pour lequel je vais avoir un mal fou à bâtir une critique qui ait du sens puis à noter. Parce que ce type de comédie n'a jamais été trop mon truc. Parce que j'ai parfaitement conscience que ce type de film est le résultat – brillant - de divers talents – certains - mis en œuvre.
La réalisation d'abord qui fait s'enchainer les scènes à une vitesse infernale tout en conservant une logique – farfelue – mais une logique quand même. A peine sortis d'une scène où le héros rencontre une difficulté, que nous entrons dans une autre scène décrivant une autre difficulté plus grande. Comme si un engrenage – infernal et logique – était là pour happer les individus qui quoi qu'ils fassent et disent sont obligatoirement entraînés. Tous les types de comique sont utilisés que ce soit celui de situation, de mot, de geste, de caractère. Un vrai catalogue dans lequel puiser. Ce que je ne sais pas, en revanche, c'est quelle est la part d'improvisation des acteurs par rapport au scénario.
Les deux acteurs Cary Grant et Katherine Hepburn font des numéros. Quel adjectif ? Epoustouflants ? Oui ça doit être ça. Etourdissants ? Oui, c'est encore ça. Soûlants ? Oui, j'ai peur qu'il y ait un peu de ça aussi. En fait, les numéros sont différents. Katherine Hepburn dont le personnage sait où il va, entraîne le pôvre Cary Grant, qui est gentil et courtois, dans des situations d'où il ne pourra pas revenir facilement. Une maîtresse femme face à un faible homme, à la veille de son mariage avec un autre genre de nana. Enfin, un autre genre, faut voir … Elle, aussi, elle est bien partie pour régenter notre toujours pôvre Cary Grant … D'une autre manière, la main de fer dans un gant de velours… On n'est pas dans le loufoque ni dans l'inattendu. Cette fois, on est dans le programmé.
Comme souvent dans un film, j'aime bien me mettre en situation et voir comment j'aurais réagi. Face à la gentille mais un peu trop directive secrétaire Alice, j'aurais fui à toutes jambes ou je me serais (adroitement) esquivé. Mais face à la tornade Hepburn, je n'aurais eu qu'une seule solution pour me délivrer du piège – infernal - mais qui serait largement condamnable et condamnée par les tribunaux aujourd'hui. Donc je n'en parlerai pas… Au risque d'insister, pour faire moderne, ne voilà-t-y pas, quand même, un bon exemple de harcèlement ?
Dans le bonus du DVD, Serge Bromberg, dithyrambique sur le film comme tout le monde, dit que cette brillante et cultissime comédie est le "mètre étalon de la screwball comedy". En effet, je confirme – à ma façon – si je compte le nombre de gags à la minute, je pense que ce film ne doit pas être loin du record. Si tant est que quelqu'un se soit amusé à le mesurer.
Mais c'est un peu mon problème justement. Le problème que je rencontre, par exemple, toutes proportions gardées et toutes choses restant comparables, quand je vois De Funès (ou un autre comique comme Clavier) qui en fait trop dans un film pour mon goût. La raison est simple chez moi, c'est une limitation physique, un handicap, c'est que je dois manquer d'estomac. Qu'on me pardonne la métaphore. Ce type de film c'est un peu comme certains desserts trop sucrés ou trop parfumés. La première bouchée est excellente car tous mes sens sont sollicités et délicatement satisfaits (c'est la scène du golf). La deuxième bouchée passe parce qu'il y a le goût du revenez-y (c'est la scène du parking). La troisième (la scène au restau) a un peu de mal mais ensuite, c'est foutu, tous les sens sont saturés. Et le pire, l'inavouable, c'est que je me déconcentre et attends que ça se calme. Ici, au mot "End".
Et la note alors ? S'il fallait juste noter la technique (réalisation, jeux des acteurs, montage), alors ce serait 10 sans souci. Mais moi, je note essentiellement ma perception, le plaisir que j'ai pris, l'intérêt que j'y ai vu. C'est quand même ça, le cinéma ! C'est passer un bon moment ou voir quelque chose d'intéressant, de passionnant, de palpitant, d'engageant, de dépaysant. Au-delà des aspects évoqués où le loufoque le dispute à l'absurde, il y a parfois de beaux portraits des acteurs et actrices. Allez, j'irai jusqu'à 6. C'est mon dernier mot.