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L'intérêt de l'enfant justifie bien quelques injustices ...

L'innocence est à première vue le film voué à faire consensus parmi la critique et à émouvoir le spectateur. Une film sur l'enfance orpheline, une évocation subtile de la découverte des sentiments amoureux qui sortent de la norme, un développement autour du mensonge lorsque la vérité est trop douloureuse à porter, un regard sur l'institution scolaire au Japon tiraillée entre le respect de la discipline et le culte de l'enfant roi. Ajoutez à cela un double hommage à deux illustres défunts du cinéma japonais : Kurosawa, d'une part, à travers une référence appuyée à Rashomon, et Ryushi Sakamoto, d'autre part, dont on entend les ultimes notes écrites pour le 7ème Art. Bref, tous ces ingrédients font de L'innocence le film censé plaire aussi bien aux cinéphiles qu'au grand public. Son prix du meilleur scénario glané à Cannes n'est pas sans nous le rappeler.

Sauf que j'ai eu, pour ma part, beaucoup de mal à succomber à l'émotion proposée. Kore-Eda emmène le spectateur dans un jeu de piste dont le trésor s'avère être l'amour naissant entre deux jeunes garçons. Le sujet est traité à la manière de Rashomon : trois points de vue subjectifs, trois voies entrelacées vers la vérité, n'excluant pas au passage quelques longueurs. Nous pourrons toutefois admettre que l'évocation de l'homosexualité n'est plus tout à fait un thème qui brille par son audace ou son originalité, justifiant au surplus une telle sophistication scénaristique.

Ce qui est plus problématique en revanche c'est que la préservation des intérêts de l'enfant semble justifier, aux yeux du cinéaste, toutes les injustices et quelques sacrifices. Ainsi, le professeur, Hori, doit subir la loi du mensonge enfantin sans pouvoir se défendre, il est traîné dans la boue médiatique, perd son emploi et sa femme, est lâché par l'institution scolaire et consent malgré tout à proférer ses excuses. Oui, mais l'enfant est élevé par une mère célibataire, ce qui semble justifier toutes les indulgences face au mensonge et les avanies subies par le professeur.

Sans aucun doute, L'innocence est un film délicat, sensible et habilement mis en scène dès lors qu'il reste à hauteur d'enfants. Les deux jeunes acteurs sont d'ailleurs assez épatants dans leur rôle. La scène d'éveil musical associant la Directrice de l'école et le jeune Minato est, par ailleurs, fort belle. Mais un petit malaise s'installe quand nous comprenons que les notes de musique émises par la prof et par l'élève sont en réalité les mots tus d'un terrible mensonge qu'ils dissimulent l'un et l'autre. Le mensonge pour préserver les apparences et le statut social. Quitte à sacrifier les proches bienveillants.




Samfarg
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le 7 janv. 2024

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