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Le film est déstabilisant par sa structure narrative spontanée empruntant davantage aux codes d’une caméra cachée que de la mise en scène d’un scénario minutieusement préconçu. À la manière d’un cheminement, Louis Garrel privilégie une réalisation authentique qui progresse au rythme des personnages. Ce sont ces personnages qui insufflent une vitalité toute spéciale au film qui brouille alors les frontières entre la fiction et le réel.
Une histoire d’amour, un espionnage, un braquage, une autre histoire d’amour s’enchevêtrent sans plus d’explication sous l’impulsion de quatre personnages : une mère et son nouveau mari, le fils et son amie. Tous très instinctifs. Le panache du film réside dans un paradoxe : Garrel s’épanouit dans son renoncement à faire un cinéma prévu et prévisible et s’efforce de filmer la vie plutôt qu’un film, mais dans le même temps emprunte les codes d’une esthétique cinématographique reconnaissable. Ainsi le spectateur identifie les codes du film d’espionnage : il suit le nouveau mari épié par le fils comme avec des jumelles et se remémore alors le générique de James Bond ; il aperçoit le fils se dissimuler maladroitement derrière des colonnes les yeux plissés à la manière d’un espion peu adroit… Il jubile lorsque le mari, le fils et son amie élaborent un plan de braquage et appréhende avec la même intensité que les personnages le moment même du braquage… Le paradoxe entre ces codes universels et pour ainsi dire typiquement cinématographiques, et la grande liberté de la réalisation l’apparentant davantage à un scénario réel qu’à une intrigue préconçue rapprochent le cinéma à la fois de lui-même et de la réalité.
Lorsque, pour détourner l’attention d’un personnage, Abel (le fils) doit jouer la comédie et improviser une querelle conjugale, il se heurte à l’impossibilité de feindre des sentiments qu’il ne ressent pas et échoue dans son rôle d’acteur si bien que les mots sortent droit d’un cœur qui se met à nue devant la femme qu’il aime. Le spectateur confus délimite mal la comédie de la réalité, réalité qui est elle-même fiction puisque c’est un film ! Garrel immisce la fiction dans la réalité qui devient fiction à son tour. Il exploite intelligemment la nature bidimensionnelle de la fiction, narrative et imaginaire, incarnée par Abel qui, par la difficulté qu’il rencontre à discerner sa propre réalité de ce qu’il doit inventer, trouble le spectateur qui accepte l’idée que fiction et réalité sont en fait imbriquées. L’Innocent, c’est ainsi celui qui ne se doute pas qu’il brouille le spectateur confortablement assis devant ce qu’il pense être une fiction, d’autant plus qu’il est conforté par des codes esthétiques qu’il assimile à un genre cinématographique qu’il connaît et qu’il identifie automatiquement comme fictionnel. L’Innocent, c’est celui qui détourne sans le savoir le spectateur de ses certitudes et qui transforme le cinéma en une expérience dont on ne saurait dire si elle est réelle ou fictionnelle.
Créée
le 24 avr. 2023
Critique lue 15 fois
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