Le crépuscule a sonné pour Visconti dans ce dernier film qui débute par les mains flétries du réalisateur, tournant les pages du livre dont est issu l’ultime film. Visconti est décédé peu de temps après la sortie du film. Il dépeint encore et toujours la bourgeoisie italienne du 19e siècle, plus préoccupée par ses histoires de coeurs et de sexe que par l’humain. Tullio Hermil qu’incarne Giancarlo Giannini est un monstre d’égoïsme, de cruauté qui séduit la belle Teresa incarnée par la superbe Jennifer O’ Neill, lucide à l’égard de son amant. Lors d’une scène charnelle, devant le crépitement du feu à l’âtre, elle lui dit : « Tu es de ces hommes qui font souffrir, cruels, orgueilleux et despotes et tu es amant et maître ». C’est l’histoire d’un couple devenu « frère et soeur », lui, ne se gêne pas pour la tromper, devant toute cette société en voie de disparition, où les femmes servent d’apparat et de faire valoir, tout comme les meubles d’époque, l’argenterie des dîners, les tableaux de maître.. etc.. Ces femmes sont en apparence, ravies d’utiliser ombrelles, soieries, organza, parures de bijoux, parfums de luxe. Mais la maîtresse de Tullio ne se laisse pas marcher sur les pieds, tout en usant de son charme, ne se faisant aucune illusion, succombant à son plaisir et désir. L’innocent n’est pas que pur plaisir d’esthète, au charme suranné. Il n’est pas un simple autoportrait. L’homme ici, devient à un moment, ignoble, allant jusqu’à frapper sa maîtresse qu’il chérit par dessus tout. Sa femme Giulana incarnée par Laura Antonneli, semble souffrante et d’une santé précaire. Tullio revient vers elle, se targuant de devenir un amant hors pair, auprès d’elle, lui disant « J’aurais dû t’apprendre la passion charnelle qui fait partie de l’Amour ». Lors d’une très belle scène, digne d’un tableau de maître, le couple s’etreint. Laura Antonneli est splendide. Ils se « retrouvent », comme autrefois, à la même saison, le parfum énivrant exhalé des fleurs. « Tu as l’air aussi effarouché que lors de notre première rencontre », lui dit-il. Lorsqu’il apprend lors d’un ultime malaise de sa femme, qu’en fait, elle n’est pas malade, mais enceinte et de 2/3 mois, aussitôt son orgueil en prend un coup. Il la délaissait depuis plusieurs mois. La belle a eu une aventure avec Filippo d’Arborio, incarné par le jeune Marc Porel. À un moment donné, Tullio semble attiré et subjugué par le bellâtre, sortant de sa douche, après une séance d’escrime, laquelle a eu lieu entre Tullio et Filippo. On pense, un temps, que ces deux là vont avoir une histoire, leur regard le laisse supposer. Vite l’on devinera, plus que l’on ne verra que Giulana a craqué pour ce bel homme. Après tout, son mari ne fait que la tromper.. La seconde partie du film consiste à refléter le couple Tullio /Giulana, redevenu fervent. Apparence trompeuse. Lui, égoïste la veut pour lui, uniquement, lui proposant de ne pas mener à terme sa grossesse. Elle semble s’accommoder de sa relation de couple redevenu fusionnel. Et l’innommable intervient. Parce que Giulana reste mère, en catimini. Tullio aussi, se cache pour aller voir l’enfant né. Seulement son égoïsme et même égocentrisme le pousse dans une noirceur incommensurable. Il ne supporte pas que sa femme aime toujours d’Arborio, à travers l’amour qu’elle porte pour cet enfant innocent, bien qu’elle s’en défende. Rina Morelli, la mère de Tullio se rebelle et se réveille devant la cruauté de son fils. Elle paraît être l’unique femme dans le film à laisser son émotion perfectible. Tragédie au final. désespérant mais magnifique à voir au Cinéma. L’on y retrouve les thématiques du cher Visconti, à savoir, constat social, hypocrisie bourgeoise, décors flamboyants, costumes, raffinement, et goût de la subversion. Il n’y a pas beaucoup d’empathie pour les personnages. Le final est un plan splendide sur Teresa de dos, quittant la somptueuse demeure, dans l’allée principale de cette dernière, après un plan dramatique. Étrange et déroutant, avec des êtres dénués d’affect. Assez glaçant et beau à la fois. « Pourquoi les hommes nous font côtoyer les étoiles et nous entraînent vers le bas, au lieu de nous laisser marcher à leurs côtés ? », Teresa à Tullio. Le casting est parfait et je me demande bien ce qu’aurait été le film avec Romy, Delon et Helmut Berger, casting souhaité au départ par Luchino Visconti. Ressort au Cinéma.