Ou plus exactement facho (cela n'a pas la même connotation), ce film de Don Siegel est à prendre moins au sérieux que cela, ou en tout cas pas de cette manière. Il s'agit avant tout d'un polar énergique avec un héros fatigué, capable des pires outrances, face aux méthodes de sa hiérarchie dont il regarde les diverses compromissions avec mépris. Cet adepte des méthodes expéditives est le témoin de la décadence du Vieil Ouest qu'il n'a pas connu mais on ressent sa nostalgie d'une certaine idée de la noblesse westernienne, plus un fantasme qu'une réalité, ce dont il n'est pas forcément ignorant. Il ne comprend pas trop son époque et en se comportant en misanthrope, il trouve une bonne excuse pour rester à sa marge.
La mise en scène de Don Siegel est la marque d'un grand cinéaste qui sait donner du style à une histoire qui aurait pu être bien plus conventionnelle. Le cadre chaotique dans les scènes en mouvement ou le montage rapide donnent de l'ampleur à ce récit, comme dans ces quelques scènes : la longue traversée pendant le générique de harry vers le lieu d'où il a tiré, l'oeil de la caméra et du tueur qui se mêlent pour la scène avec la victime abattue dans une piscine sur un toit à ciel ouvert ou la poursuite dans la nuit entre Callahan, son adjoint et leur ennemi. Enfin, la scène dans le stade aurait pu faire une jolie fin, presque mélancolique et aux connotations moins troubles que la vraie fin. Le tout accompagné de la musique jazz de Lalo Schifrin en grande forme, avec de belles envolées.
Évidemment l'interprétation de Clint Eastwood participe aussi à cette réussite. Il est dur, mais laisse percer une ironie cinglante et un tout petit peu de douceur.
Quant au rôle de Scorpio, Andrew Robinson dessine un portrait de psychopathe saisissant, symbole des dérives de la nouvelle société qui n'est pas sans rappeler un certain Charles Manson, qui vise femmes, enfants, figures religieuses, forces de l'ordre et enfants. Pas de jaloux, Callahan non plus n'aime pas beaucoup les gens et les deux hommes ont bien des points communs, notamment le regard trouble sur la gent féminine ou le plaisir à tuer. Le premier qui cerne ce trait de la personnalité du tueur est Callahan lui-même, ce qui n'est pas anodin.
Fasciste, l'Inspécteur Harry ne l'est pas. Il capte simplement une vision archaïque d'une certaine Amérique et si Don Siegel ou même Clint Eastwood ne sont pas gauchistes, en captant un état d'esprit qui peut sembler peu progressiste, ils racontent une Amérique qui existe.