Des films aussi marquants que ce "Dirty Harry", il en existe peu. Parce que si tu veux voir un bon vieux trip sur un flic badass et burné, pour lequel torture et meurtre sont comme chasse et pêche, autant revoir les bases même de ce sous-genre cinématographique.
Plan par plan, Don Siegel instaure un nouveau genre de films et de personnages. Original par bien des aspects, il fait de son acteur principale une star internationale, encore plus iconique, pour une partie du grand public (puisqu'un poil plus moderne et relié aux divertissements populaires actuels), que la période western spaghetti de son acteur fétiche. Mythique, le personnage de Callahan ne cesse de faire des émules; aujourd'hui encore, ses pastiches foisonnent par dizaines, jusqu'à la série "Arme Fatale", catastrophe annoncée.
A l'évidence, le détail le plus marquant du film se trouve dans son acteur principal, et véritable icône du cinéma de genre : Clint Eastwood, aka Dirty Harry, aka la coqueluche de Sergio Leone, par le passé. Pour tout vous dire, son interprétation n'est guère finaude; le type a beau envoyer du lourd, il le fait avec une sulfateuse, et non pas avec la finesse de danseuses étoiles, du style de ... je sais plus trop qui.
Mais c'est avec classe qu'Eastwood interprète son personnage (à ce point inspiration principale du Punisher qu'Eastwood s'est retrouvé représenté dans sa peau, au travers du comics Le Tigre de Garth Ennis) lui fournissant tout le charisme qu'un tel protagoniste requérait. De toute évidence, Harry, c'est lui et personne d'autre; il est irremplaçable, tout comme Stallone en Rocky ou Rambo, et Schwarzy en Conan ou Terminator. C'est, je pense, à cela que l'on discerne le grand acteur de l'interprète simplement convaincant.
Tout le travail de réalisation est également à souligner, tant Don Siegel, déjà metteur en scène de ce chef d'oeuvre de "Body Snatchers", nous fait part d'un travail autant impeccable qu'irréprochable; voir un tel métrage s'ouvrir sur un tel plan, c'est juste majestueux. Et en plus de poser les bases de l'ambiance du film à venir, cette introduction nous présente ce dont on va parler par la suite : son antagoniste terrifiant.
Qu'on se le dise, Andrew Robinson n'est pas constamment dans le juste, mais merde, le mec s'y croit à fond. C'est pas parfait, certes; mais bon, quand tu t'intéresses un minimum à son regard, tu captes que le mec, il est pas seul dans sa tête. Disons juste qu'il se perd, parfois, à parler intérieurement avec Jackie et Bruce, sans réellement se demander si son jeu se trouve dans la nuance et la finesse. Mais au final, le résultat reste vraiment très convaincant.
L'écriture, par contre, est de grande qualité; rédigée avec style et maîtrise, elle fait constamment preuve d'une variété des thèmes abordés fortement appréciable. C'est bien construit, bien pensé, en bref, c'est clairement bien foutu. Pas une réelle incohérence, des punchlines de folie, des personnages bien étoffés; en y réfléchissant, je ne trouve guère de défaut.
"Dirty Harry" est un grand film qui pose la plupart des codes d'un genre aujourd'hui surfait, et duquel l'originalité semble peiner à arriver. Porté par un acteur au fort charisme, et savamment agrémenté d'une forte personnalité, le film se veut viscéral et glauque, dépeignant une triste vision désillusionnée d'une Amérique en plein déclin, tant idéologique que populaire. A voir, un grand film. Mieux, un classique.