C'est en se plaçant à l'écart du monde, que L'intervallo, dans ce parti pris radical, choisissant la tangente plutôt que l'affrontement, décide d'évoquer une réalité violente. Racontant en creux ce que Gomorra dépeint frontalement, la première fiction de Leonardo Di Constanzo, nous en dit long sur la manière dont la camorra contrôle et dirige.

Salvatore a 17 ans. Il vend des granite. "Emprunté" le temps d'une journée par la mafia, il doit surveiller Veronica, ado frondeuse ayant froissé le chef local. Enfermés dans une immense propriété abandonnée [qui fut peut-être un pensionnat], ils vont passer une journée hors du monde. Passé le temps de l'apprivoisement, les deux adolescents vont rapidement s'entendre, et dépasser la situation absurde dans laquelle ils se trouvent.

Car cet enfermement n'en est pas un. C'est même tout le contraire. La liberté de mouvement, de pensée, d'évasion, est ici, pas à l'extérieur. Redevenus enfants, se laissant aller au jeu, au rêve, à la confidence, Salvatore et Veronica vont faire de cette parenthèse hors du monde, un temps suspendu. Le film les suit alors dans une longue promenade au travers des ruines, du parc en friches, sur le toit dominant la ville. On comprend rapidement qu'ils ne maîtrisent pas leur monde. La mafia est partout, commande, domine. Ils ne sont rien. Illustrant à nouveau ce que Gomorra décrit, L'intervallo nous permet de mesurer avec terreur combien la mafia est puissante. Elle seule donne le droit d'aimer, de faire, de vivre. Le constat est d'autant plus violent que le temps finit par reprendre son cours. Tout rentre dans l'ordre établi par cet état dans l'État, cette société du plus fort, parangon de l'ultra-libéralisme.

Extrêmement sobre dans sa forme, L'intervallo se fond dans la richesse de son décor. Jouant des contrastes de matières, des ruptures lumineuses, porté par la fraîcheur de ses jeunes interprètes, le film nous réserve quelques instants de grâce. On peut cependant regretter une première partie trop théâtrale, et une tonalité d'ensemble un peu trop monocorde. L'intervallo n'en demeure pas moins une belle proposition de cinéma.
pierreAfeu
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le 7 mai 2013

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pierreAfeu

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