Les plus beaux nanars, ceux qui font ma passion pour le genre, sont ceux qui exposent une vraie épreuve de débrouillardise souvent témoin d’un ressort créatif comme on en voit finalement rarement ailleurs. Il y a même certains films, comme cette Invasion des araignées géantes, qui demeurent cultes encore aujourd’hui, pour un petit nombre d’irréductibles accrocs, justement pour ces astuces, indice de capacités d’adaptation à toute épreuve. Rassurez vous, j’en rajoute des tonnes.
L’Invasion des araignées géantes, c’est tous les ingrédients d’un nanar classique et le film semble heureux de vous présenter sa famille de rednecks périmés, son shérif fan de science fiction, ses scientifiques crédibles, ses répliques futées (toujours privilégier la vf dans ces cas là), ses décors malins et, bien sûr, ses mygales de l’espace. C’est une famille exhibant tous ses membres dépravés pendant qu’une météorite braille un “Vouivouivouivouiiiiiiw” par intervalles régulières en se rapprochant dangereusement de la planète bleue, c’est une galerie de personnages tous plus pittoresques les uns que les autres batifolant les uns avec les autres et c’est un scénario d’une cohérence indiscutable. Mais c’est surtout une créature géante entrée dans l’histoire pour sa conception ingénieuse, assemblage plus ou moins approximatif de pattes pendantes et de gros globes oculaires roses et mousseux disposés sur la carcasse d’une Volkswagen. Une vieille Coccinelle mimant une araignée, si vous ne voyez pas une certaine poésie là dedans, retournez vous contenter de Sharknado. Il faut ajouter à ça plusieurs scènes fracassantes où l’araignée fait mouche, qu’elle soit montrée entière, écrasant une maison ou envahissant un terrain de baseball en plein jour ou partiellement, immisçant ses pattes richement velues, molles et tentaculaires par les fenêtres pour palper l’anatomie de jeunes femmes mi-effrayées mi-calines.
Ce film c’est un réalisateur plein d’idées qui tente de faire son possible pour que son beau projet d’araignées intersidérales voit enfin le jour, à genoux devant des producteurs peu soucieux des moyens techniques de leurs ouailles. C’est un réalisateur à qui on a balancé “si les araignées sont géantes, on finance !” et c’est un réalisateur qui s’est entendu répondre “bien sûr qu’elles le seront” sans même avoir vraiment envisagé l’idée auparavant et encore moins un éventuel moyen pour y parvenir. Et c’est de là que naissent certains des plus valeureux esprits créatifs, quand de cendres, on tente son possible pour ériger un monument mythique, quand d’une carcasse rouillée de bolide, on façonne un arachnide intergalactique. C’est un film de merde, cela va de soi, et c’est à peine à recommander comme nanar, mais c’est aussi une belle illustration d’une débrouillardise gorgée de passion (passion de l’argent en partie, c’est certain), montrant finalement des scènes peu communes d’attaque de jour par cette grosse mécanique branlante, hilarant, certes, mais aussi touchant à sa manière.