Claude Chabrol a bien failli passer devant les tribunaux à cause de ce film. Il faut dire qu'il traite de l'affaire Elf, véritable étalage de magouilles politico-industrielles où énormément de gens haut-placés ont été impliqué. Même si Chabrol s'en inspire, le film reste une fiction avec des noms modifiés bien que l'on peut facilement reconnaître des protagonistes de l'affaire. A commencer par le personnage d'Isabelle Huppert, décalque d'Eva Joly alors juge d'instruction en charge de l'affaire. Une histoire que n'a pas du tout digéré Joly, notamment l'évocation du suicide de son mari au moment de l'affaire. Elle a essayé d'obtenir une copie du film au Tribunal de Paris avant sa sortie, mais l'affaire n'ira pas plus loin. Inutile de dire que la future candidate à la présidentielle n'a pas vraiment apprécié le film, trouvant que "ce qui faisait [la] force [de Chabrol], le regard sur la petite bourgeoisie française, cette grille de lecture-là, sur l'Affaire Elf, ne fonctionne pas.".
Plus qu'un film évoquant l'Affaire Elf, L'ivresse du pouvoir est surtout l'occasion de montrer un système tentaculaire avec des puissants prêts à toutes les bassesses pour se couvrir, quitte à passer par des intimidations ou des jeux de pouvoirs. Comme amener la juge vers un autre cabinet en lui faisant croire qu'elle aura plus de force de frappe, alors que non. Il y aura toujours des restrictions malgré les apparences. Ce qui ne va pas empêcher ce bel empire de s'effriter petit à petit, ne restant plus que des miettes.
De l'autre côté, le juge est dans une situation similaire. Sa vie explose, ses idéaux s'effondrent également et plus le temps passe, plus le pouvoir devient envahissant. Et si cela était de trop pour une seule personne ? Quelle est la frontière avant de devenir aussi impitoyable que ceux que l'on traque ? Il y a un peu de tout ça dans le portrait de l'héroïne, très bien campée par Isabelle Huppert. Une femme de poigne dans un monde globalement rempli d'hommes, mais atteignant aussi ses limites très rapidement aussi bien dans son métier que dans sa vie personnelle.
Chabrol filme un film intriguant sur le pouvoir, qu'il soit judiciaire ou dans le milieu des affaires. Sauf que comme le suggère le réalisateur, le moment de passer à la caisse finit parfois par arriver. On le voit par le personnage de François Berléand, peut-être celui qui casque le plus dans l'histoire. Idem pour le soi-disant intouchable campé par Patrick Bruel.
Au passage, si l'affaire vous intéresse, il existe un téléfilm en deux parties signé Lucas Belvaux avec Nicole Garcia dans le rôle de Joly (Les prédateurs, 2007). Inutile de dire qu'elle a apprécié.