Toute ressemblance etc.. ayant existé etc.. coïncidence etc.. Bien sûr, mais dés les premières secondes, sous les traits de Berleand se grattant frénétiquement la courte barbe blanche, on aperçoit Loïk Le Floch-Prigent, (ex-président de Elf et grand acteur de l'affaire du même nom) et ses problèmes de peau.
Peu importe au fond: "L'ivresse du pouvoir", inspirée donc de la fameuse affaire financière des années 90, n'est pas censée la raconter dans son exacte vérité. Chabrol n'est pas un cinéaste politico-sociétal, à la Costa-Gavras ou Boisset. Son champ d'observation ne dépasse guère les microcosmes, de préférence bourgeois, et en zoomant davantage encore, les êtres humains et leurs mystérieux ressorts intimes. Ce film n'est donc évidemment pas une reconstitution, mais le récit d'un duel entre une femme et une pieuvre, voire d'un combat de fauves.
Car le titre du film évoque autant l'ivresse qui saisit certains êtres de pouvoir, politiques ou grands patrons, et les fait décoller du réel, que le pouvoir d'une fonction qui peut enivrer certains juges dans leur quête de la vérité ou d'un résultat.
Jeanne Charmant Killman (bien relire ce nom, avec nos connaissances du français et de l'anglais) est de ces juges là. Tour à tour incandescente et froide ("lisse comme le marbre", lui dit son mari), idéaliste et perverse, à la fois butée et vulnérable, sombre et lumineuse, elle est de ces êtres complexes que Chabrol aime faire naître à l'écran avant d'en approcher son scalpel.
L'une de ses deux actrices fétiches, Isabelle Huppert, incarne ce passionnant personnage. Depuis "Violette Nozières" et tant de beaux rôles, sans doute comprenait-elle Chabrol à demi-mot. Une fois de plus elle est fascinante. Plutôt bien entourée (Berléand, Renucci, Th.Chabrol, Balmer, mais pas Bruel ici médiocre), elle tient le rôle de bout en bout sur un fil fragile, comme une équilibriste téméraire et têtue.
Elle est, et son personnage avec elle, le principal intérêt du film. Car Il n'y faut pas chercher une dénonciation argumentée des affaires financières ou autres turpitudes collectives (encore une fois, Chabrol n'a jamais été dans ce genre de propos, sauf peut-être dans le magnifique "Une affaire de femmes"), et malheureusement on ne trouvera que rarement le Chabrol des grands jours: réalisation globalement banale, direction d'acteurs secondaires parfois approximative, outrances étonnantes venant d'un auteur subtil (trognes d'enfer et cigares démesurés des financiers et politiques délinquants)...
Isabelle et Jeanne donc, mais aussi de temps à autre, un plan, un montage cut qui nous font imaginer Chabrol jubilant une fois de plus derrière sa caméra à l'idée de nous piéger un peu.
Car dans Chabrol, il y a Chat...