Produit à l'époque où le top de la hype sur Internet c'était d'avoir une page Myspace et de chatter avec ses potes sur MSN, Eagle Eye préfigure plutôt bien ce qui s'est depuis plus ou moins matérialisé grâce à nos gouvernements paranoïaques et à nos bienveillantes multinationales. En amorçant la concrétisation du projet, Steven Spielberg a bien saisi tout le potentiel de ce scénario aux fortes inspirations orwelliennes. C'est pourtant à D.J. Caruso qu'il confie la réalisation, sans doute conscient qu'Eagle Eye manque d'envergure pour s'insérer dans sa propre filmographie.
Choix judicieux puisque Caruso exploite avec brio les idées les plus intéressantes du scénario, tout en masquant ses failles sous un déluge d'action échevelée. Eagle Eye est plutôt prévisible, abuse de son postulat (ARIA parvient à manipuler à distance des équipements qui ne sont pas censés être connectés...), mais on le remarque finalement peu, car le spectacle et les moments de tension dégagent une efficacité à toute épreuve. A l'image du duo Shia LaBeouf / Michelle Monaghan, d'autant plus que les scénaristes ont eu le bon goût de ne pas leur imposer une romance hors de propos.
A côté de ça il y a aussi des sorties de route un peu moins pardonnables, comme le discours final du Ministre de la Défense, d'une aberrante hypocrisie. Ca, pour le coup, c'est de la vraie science-fiction, car on devra sans doute attendre quelques millénaires avant d'entendre le chef des armées américaines plaider pour la sauvegarde des libertés au détriment de la sécurité... Ou comment sacrifier un peu de crédibilité dans le seul but de rendre le message du film réellement explicite (mais sérieusement qui n'avait pas encore compris ?...).
Le Big Brother sauce Dreamworks accouche donc d'un honnête divertissement du dimanche soir, plus musclé que cérébral, parfois très générique (la BO est d'un ennui...) voire maladroit, mais encore une fois franchement efficace. Et c'est à peu près tout ce qu'on lui demandait.