Attiré dès le départ par ce projet retardé de plusieurs mois par le confinement, « L'Ombre de Staline » est à la fois ce que j'attendais et « craignais » de voir sur grand écran. Attente car le sujet est fort et passionnant : évoquer sous un angle relativement original le drame absolu que fut l'Holomodor et le silence assourdissant de la communauté européenne, souvent complaisante pour des raisons éminemment politiques, n'est évidemment pas anodin et pour un quasi-novice sur le sujet comme moi, l'expérience n'a pu être qu'enrichissante, surtout à travers le regard de Gareth Jones, ce héros presque à l'ancienne, pétri de grands idéaux et d'une droiture admirable : un vrai, beau personnage.
Bien qu'un peu long, le récit se tient convenablement, représentant plutôt bien les forces en présence et les enjeux de l'époque ou le regard alors porté sur l'URSS, non sans quelques scènes très fortes (je pense, évidemment, à la découverte de la grande famine et de cette « fuite en avant » de Gareth pour échapper à la mort, minutes quasi-muettes semblant presque appartenir à une autre œuvre). Enfin, superbe idée que celle d'avoir intégré au récit
George Orwell et sa remarquable « Ferme des animaux »,
donnant un peu plus de résonance à une histoire qui ne manquait déjà pas d'intérêt.
« Crainte » parce qu'en définitive, les quelques éléments précédemment évoqués exceptés, j'ai vraiment vu le film que je m'attendais à voir. Logique, me direz-vous : ce n'est pas faux. Mais cela dure quand même plus de deux heures et de temps à autre, je les sentais un peu. Pas ennuyeuses, mais pas vraiment emballantes non plus. Agnieszka Holland a beau faire preuve d'une réelle application, son classicisme, voire léger académisme pèse un peu, la faute également à une interprétation solide mais sans ferveur.
En définitive, si j'ai apprécié l'aspect sans compromis, cette volonté d'énoncer les faits et de rendre hommage à cet homme remarquable parti bien trop tôt, pas sûr que je retiendrais
(à une scène près et présence de l'auteur de « 1984 » exceptés, donc, ce qui n'est déjà pas si mal)
grand-chose de « L'Ombre de Staline » (excellent titre, au passage, bien meilleur que l'original, une fois n'est pas coutume), très honorable film historique, à défaut de marquer autant les esprits qu'on ne l'aurait souhaité.