Troisième film seulement pour le jeune Stanley Kubrick, 26 ans, qui signe un film noir ambitieux et plutôt original, sans pour autant s'écarter des codes du genre ni d'un certain classicisme.
On retrouve ainsi des personnages archétypaux (le bandit d'honneur, la femme fatale, le flic en cheville avec le milieu...), dont certains flirtent avec la caricature, à l'image de l'épouse adultère et vénale, et de son mari faible et crédule.
Il faut alors tout le charisme de comédiens tels que Sterling Hayden, Marie Windsor ou Elisha Cook Jr pour donner un certain crédit à des personnages à l'écriture pas franchement subtile.
Une autre faiblesse de "The Killing" concerne la prévisibilité de son scénario : sans doute le dénouement non conventionnel avait-il un impact fort à l'époque, mais aux yeux d'un cinéphile contemporain, l'issue du film ne fait guère de doute.
Heureusement, ces petits défauts demeurent véniels, et Kubrick parvient à nous embarquer dans cet audacieux braquage d'un hippodrome, dans lequel chaque protagoniste tient un petit rôle bien précis, sans avoir connaissance du plan dans sa globalité.
Ramassé sur une durée d'1H20, "The Killing" brille par son efficacité, avec en prime une narration éclatée dans le temps et l'espace, les flashbacks permettant de revoir certaines scènes sous un autre point de vue.
Adapté d'un roman policier de l'écrivain Lionel White (que Godard adaptera aussi à l'occasion de "Pierrot le fou"), "The Killing" n'est pas encore une œuvre très personnelle de la part de Kubrick, mais certains passages témoignent néanmoins d'une singularité bienvenue, à l'image de cette altercation entre le sniper et le gardien de parking noir, lequel se met à parler ironiquement à la manière des esclaves nègres.
A noter pour finir l'intelligence dans le choix malicieux d'un titre à double sens, le terme "killing" pouvant désigner aussi bien une tuerie, que le fait de rafler la mise aux courses...