Papi et Mamie font de la résistance
Hormis une concession lourdingue faite au "Sanglot de l'Homme blanc" (Pascal Bruckner) --- qui, ceci dit, a de bonnes raisons de se retourner et de pleurer
le 29 nov. 2020
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Avouons le L’un des nôtres n’est pas un film tentant de prime abord avec son affiche anonyme et sa tagline de DTV « Se battre pour sa famille », d’autant plus quand on regarde la carrière de son scénariste-réalisateur Thomas Bezucha dont le principal fait d’arme nous apprend IMDB est une comédie bâtie autour de Selena Gomez baptisée Monte Carlo. Nous sommes donc agréablement surpris par ce film qui mêle des éléments de western, de road-movie et de film de vengeance, cette fusion des genres empechant le spectateur de prévoir où va aller l’intrigue surtout quand elle conduit le public dans des endroits très sombres. Adapté d’un roman du même nom de Larry Watson paru en 2013, L’un des nôtres se situe dans les années 60 et débute sur une note calme alors que nous découvrons la vie quotidienne de George et Margaret Blackledge (Kevin Costner et Diane Lane à nouveau réuni après Man of Steel), George est un ancien shérif, maintenant éleveur de chevaux . Ils vivent dans un petit ranch dans l’est du Montana s’occupant de leurs chevaux et de leur petit-fils nouveau-né Jimmy. Sans beaucoup de dialogue , nous percevons la fierté qu’ils ont pour leur fils, James (Ryan Bruce) mais aussi les tensions notables entre Margaret et sa belle fille Lorna. Deux événements vont radicalement changer radicalement leur vie. D’abord, James meurt dans un accident de cheval. Quelque temps plus tard, Lorna se remarie , le film présente intelligemment la cérémonie comme une deuil mal digéré par George et Margaret – alors que Lorna semble épouser un jeune homme sain. Mais Margaret découvre que son nouvel homme, Donnie Weboy (Will Brittain) est violent envers Lorna et Jimmy. Peu de temps après cette découverte Margaret apprend que Lorna, Donnie et Jimmy ont quitté la ville pour s’installer dans l’est du Dakota du Nord, où vit la famille de Donnie. Margaret envisage d’aller dans l’est pour retrouver son petit-fils, pensant qu’il est possible de le ramener alors que George, sheriff à la retraite est bien conscient que ce cela sera sans doute difficile. Il l’accompagne car il a peur que son entêtement ne lui cause des ennuis. Et il a raison. Le road-movie élégiaque se transforme brusquement en thriller gothique. Dressée sur un lopin de terre broussailleux au pied d’une montagne, la ferme Weboy ressemble à une maison hantée . Et lorsque les Blackledges rencontrent les Weboy le couple réalise quel mal l’habite. Le couple y trouve une famille tribale et dangereuse, dirigée par une matriarche sadique Blanche (Lesley Manville), qui n’a aucune intention de laisser l’enfant partir. George et Margaret réalisent qu’ils devront se battre par tous les moyens pour libérer leur petit-fils (et leur ancienne belle-fille) d’une vie d’abus et de misère sans avoir idée des extrémités auxquels sont prêts les Weboy.
La première rencontre entre les familles est pleine de tension, et bien que Lane et Manville tirent le meilleur, la mise en scène de Bezucha l’entretien parfaitement . La nature du conflit d’abord verbale, devient assez rapidement violente, et une fois qu’elle bascule , cette violence devient extrême. Dans les deux premiers tiers du film, menés par la détermination de Margaret et le travail de détective à l’ancienne de George, le couple suit la piste qui les mènent aux Weboys. La façon dont Bezucha amène ses antagonistes est habile, chaque fois que George et Margaret cherchent une piste, les gens qu’ils interrogent leur offre une variante de « Vous ne voulez vraiment pas trouver ces personnes. » On perçoit à quel point les Weboy sont dangereux avant même de les rencontrer. La montée en tension est prenante et quand dans le dernier tiers, la confrontation est inévitable cette combustion allume la mèche d’une explosion de violence brutale. Sans aller dans la radicalité d’un S Craig Zahler dans Bone Tomahawk on y retrouve le même principe narratif . L’amour que George et Margaret éprouvent pour Jimmy – un amour qui les met en danger – est palpable , créant des enjeux véritablement élevés. Aussi tendu que L’un des nôtres peut-être parfois, les moments plus contemplatifs malgré de somptueux paysages et une photographie soignée repose énormément sur Costner et Lane pour éviter une pointe d’ennui, une intrigue secondaire impliquant un jeune Amérindien qui a fuit une écoles spécialisée (Booboo Stewart) si elle part de bonnes intentions en nous éclairant sur le sort des indiens que l’on arrachaient à leurs familles pour les rééduquer et bien jouée ne présente pas beaucoup d’intérêt dans le récit d’autant que le personnage s’avère purement fonctionnel.
Plus jeune star , Kevin Costner dégageait une forme de confiance un peu arrogante mais en vieillissant cette confiance en soi s’est muée en une sorte de sagesse lasse. Il a commencé à jouer des personnages transformés par leurs déceptions et leurs échecs et à gagner en densité. Il est parfait en dur à cuire qui sait qu’il ne peut plus faire ce qu’il faisait jadis , un vieil homme déchiré entre pragmatisme et passion, qui sait que la bonne chose à faire est de retrouver son petit-fils, mais trop conscient qu’il s’agit là d’une mission suicidaire. Si Costner s’est adouci au fil des ans, Lane elle s’est endurcie loin de son milieu de carrière où elle s’est fait une spécialité des rôles romantiques de femme ayant une seconde chance en amour. Margaret a une moralité absolue, ne se contente pas d’être une femme au foyer américaine typique, elle-même très dure – elle a jadis non seulement monté les chevaux du ranch quand elle était plus jeune mais elle elle les a domptés. Lane n’a jamais été aussi juste, car elle fait resurgir derrière l’inquiétude de la grand-mère un instinct féroce, celui d’une femme prête à tout sacrifier pour protéger son petit-fils . Elle partage des moments tendres avec Costner, ensemble ils établissent les habitudes crédibles d’un mariage de plusieurs décennies. Quand son mari est enclin à reculer, elle le pousse vers l’avant et la manière dont l’histoire se sert de cet aspect de leur relation donne une grande puissance à la conclusion du film. L’actrice anglaise Lesley Manville, qui a débuté dans les années 1980 dans les films de Mike Leigh et a été remarquée l’année dernière dans The Phantom thread de Paul Thomas Anderson pour lequel elle a été nommée à l’Oscar, se délecte clairement de son rôle dés l’ouverture de la scène où elle accueille George et Margaret. Sa posture fait penser à celle d’un vautour, lorgnant avidement vers la personne qu’elle s’apprête à attaquer. Elle fait de Blanche une de ces personnes dont la présence est intimidante quel que soit son adversaire. Même sa cigarette est une forme d’intimidation, rappelant Bette Davis. La façon dont Costner et Lane échangent des regards inquiets et même effrayés en sa présence ne font qu’augmenter le sentiment de menace qui émane de son personnage .
L’un des nôtres se distingue en dépeignant deux personnages féminins forts totalement opposés , mais tous deux prêts à risquer leur vie pour ce qu’ils pensent être juste. Lorsque leurs instincts protecteurs entrent en jeu, il vaut mieux que les hommes se mettent à l’écart. Bezucha complète le reste de la distribution avec de solides acteurs de second rôle , comme Jeffrey Donovan dans le rôle de Billy Weboy l’oncle de la famille dangereux et décalé qui remplit ici la même fonction que l’auto-stoppeur de Massacre à la tronçonneuse , qui va les amener jusqu’au reste de sa sinistre famille ou dans une scène unique Greg Lawson en que shérif véreux. Sur le plan visuel le directeur de la photographie Guy Godfree capture des paysages époustouflants sous un ciel perpétuellement couvert qui donne au film des teintes grises paradoxalement chaudes lui conférant un aspect poussiéreux mais confortable. Le film bénéficie d’un très beau thème mélancolique du grand Michael Giacchino (Lost , Star Trek, Rogue One, Vice Versa) qui évoque la grandeur du western en restant modeste axée sur les personnages avec cette impression crépusculaire d’une Americana ployant sous son propre poids mythique.
Conclusion : En dépit d’un certain classicisme et de quelques longueurs L’un des nôtres mélange de mélodrame et de revenge movie mâtiné de western crépusculaire, porté par la performance de ses deux vedettes vaut le détour. Son final violent et la menace constante et l’imprévisibilité de Lesley Manville laissent forte impression. Une solide série B émouvante et brutale.
Créée
le 21 mars 2022
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