Au début fut le giallo puis vient le slasher. À leur origine, un même homme : Mario Bava. Après avoir donné les principes du giallo dans La Femme qui en savait trop et Six femmes pour l’assassin, le voilà qui fait un pas de côté pour introduire une variation plus morbide au premier avec La Baie sanglante. Là où l’histoire alambiquée et la révélation du tueur étaient des enjeux majeurs du giallo, le réalisateur italien décide de focaliser son propos sur les meurtres en eux-mêmes. À la construction savante des mises à mort dans les giallos, Mario Bava vise cette fois moins l’esthétisme que la diversité, le nombre et l’efficacité des armes utilisées. Corde, couteau, serpe, lance, fusil, tout y passe dans ce qui se ressemble à une douce énumération des moyens de donner une mort violente à ses semblables. Le propos du film finit ainsi par se réduire à la seule esthétique de la mise à mort. Pas de recherche de tension, pas de suspense particulier, rien que des mises à mort.
Le résultat a dû forcément désarçonner en 1971 et des décennies plus tard, l’ensemble a rapidement dû paraître dépassé. Difficile dans ces conditions de trouver une fenêtre de tir pour trouver la renommée. Sauf qu’avec ce choix de multiplier les meurtres, Mario Bava va inspirer un genre qui fera les grandes heures du cinéma d’horreur des années 1980. Mais, contrairement à son rejeton américain, le cinéma de Mario Bava est un cinéma engagé et viscéralement misanthrope. Dans La Baie sanglante, il y a peu d’innocents et peu d’âmes à sauver. Mario Bava les tue tous pour leur profonde immoralité et leur stupide cupidité. On ne trouve d’ailleurs pas de personnage central dans ce film ni de personnage attachant. Les personnages se succèdent, s’entretuent et meurent, tant et si bien qu’il faut bien quelques flashbacks en bout de piste pour nous faire comprendre qui a tué qui. Mario bava reste quand même bon prince avec ses spectateurs qu’il n’ose pas trop frustrés. Il aurait aussi bien pu entretenir le flou. Son discours n’en aurait eu que plus de force.
La Baie sanglante, c’est vraiment une histoire qui part en sucette. Tout à fait volontairement. Et le plaisir de voir ces personnages tués les uns après les autres n’aura jamais le même goût dans des slashers où les tueurs visent davantage au hasard. Le résultat donne un drôle de film. Aussi onirique que ses précédentes œuvres, le résultat est aussi un hymne à la nature que l’homme dézingue à tout va. Porté par une réalisation toujours aussi soignée, des plans innovants et totalement baroques, une musique élégante, un maquillage de qualité et par des partis-pris narratifs qui seront repris, le film a toutes les qualités des films qui ont marqué de l’histoire d’un genre cinématographique. L’ensemble, bien entendu, a vieilli par bien des aspects mais que c’est diablement efficace et terriblement ironique. Jusqu’à un final en forme d’apothéose.