La Ballade à Narayama (1983) - 楢山節考 / 130 min.
Réalisateur : Shohei Imamura - 今村 昌平
Acteurs principaux : Ken Ogata - 緒形拳 ; Sumiko Sakamoto - 坂本スミ子.
Mots-clefs : Japon ; Drame ; Vie et Mort
Le pitch :
Orin, une vieille femme des montagnes du Shinshu, atteint l'âge fatidique de soixante-dix ans. Comme le veut la coutume, elle doit se rendre sur le sommet de Narayama pour être emportée par la mort. La sagesse de la vieille femme aura d'ici-là l'occasion de se manifester.
Premières Impressions :
J’ai terminé La Ballade à Narayama il y a quelques minutes à peine et je suis encore un peu grogui par l’expérience, comme sonné. Cette sensation, c’est celle que me font les grands films, de ceux qui me hantent pendant de longues minutes après le visionnage et finalement cette sensation, je ne l’ai pas ressenti si souvent que ça dans ma vie. Ce qui rend cette sensation aussi spéciale, c’est que ce n’est pas le premier film de Imamura Shohei à me faire le coup parce qu’une de mes toutes premières claques de cinéma quand j’étais adolescent, c’était l’Anguille, rapidement rejoint par De l’eau tiède sous un pont rouge. Trois films du même réalisateur, dont deux palmes d’or. D’un point de vue de l’étude des sentiments, c’est passionnant de voir comment presque quarante ans après sa projection à Canne et presque vingt années après mes premières rencontres avec le cinéma japonais, comme ce réalisateur spécifique arrive à me toucher.
Entre L’Anguille (1997) et La Ballade à Narayama (1983), j’ai fait mon lycée puis mes longues études de psychologie sociale. J’ai connu les amours, le sexe, le couple, la vie commune, le monde de l’entreprise, les naissances et les deuils. Comment oser penser que je suis le même homme à 35 ans, que l’adolescent de 15 ans qui regardait les films en cachette le soir sur Arte ? On reste toujours un peu le même mais tout de même, on évolue. Et, pourtant, Imamura me touche, indépendamment de l’âge et presque de ses films, comme si sa façon si particulière de raconter les histoires parlait à ce qui m’est est essentiel. Non, ce n’est finalement pas sa façon de raconter les histoires, bien d’autres savent le faire avec génie, mais c’est sa façon de raconter l’humain. Il y a chez lui le regard de l’ethnologue qui rapporte les comportements et laissent aux autres le soin de juger. Lui, il capte, comprends, décrits, dans la beauté mais souvent dans la laideur, les agissements de ses contemporains.
Que La Ballade à Narayama soit issue d’une nouvelle de Shichirō Fukazawa et non un scénario écrit de toute pièce, n’y change rien. Mais alors qu’est-ce qui me touche dans son cinéma ? Bien sûr il y a cette histoire de la pauvreté de nous compte la Ballade, celle de société plus primitive où le pragmatisme des bouches à nourrir et de la justice rapide ne peut s’embarrasser de sentiment. Comment rester de marbre devant le meurtre d’une famille devenu voleur par nécessité, comment ne pas trembler d’effroi devant cette mère qui accueille la mort pour laisser la place aux vivants ? Cependant, sous couvert de société et de rites d’antan, Imamura sait laisser son spectateur projeter sa propre vie moderne et ses propres choix. Il y a autant de films que de spectateurs puisque l’humanité est là devant nous, toute nue. L’artifice de la caméra, la composition du cadre, le jeu des acteurs, tout ça disparait malgré l’œil habitué du critique. Comment fait-il ça ?
Plus tard, un jour j’analyserai son cinéma mais avant ça, puisque chacun de ses films me transporte en moi-même, je vais prendre le temps de voir la moitié de son œuvre qui m’est encore inconnue, dût-il me prendre vingt ans de plus pour être prêt.