Parce que la réussite d'Emma Eckhert est traitée de façon burlesque et compilée dans le style des actualités d'avant-guerre, le récit n'est pas précisément réaliste. L'entre-deux-guerres, vu par Francis Girod, est léger, coloré, souriant; ce n'est pourtant qu'une façade et la chute brutale qu'a inspiré le personnage de Marthe Hanau nous ramènera à un ton plus grave, plus conforme à l'époque.
Femme de caractère, la banquière Emma Eckhert est bientôt vouée aux gémonies. Juive, lesbienne et femme d'affaires, défenseuse de l'épargne populaire, elle concentre sur elle les menées antisémites, les effarouchements moraux ou encore l'inquiétude haineuse des banquiers officiels.
Au-delà du portrait d'Emma, femme libérée et autodidacte, qui semble jouir de sa réussite et de son pouvoir comme la revanche devant le tout-Paris d'humiliations passées, le film de Girod restitue brillamment l'ambiance de la Troisième République, son instabilité politique, ses scandales à répétition et la corruption politico-financière, ou encore la presse à ragot virulente. Cependant le film apparait peut-être trop décousu et trop dense, et ne fait que survoler des situations qui auraient mérité d'être approfondies. De sorte que les personnages sont des figures à la fois emblématiques et caricaturales de la période.