Avec Le secret de la planète des singes, La bataille de la planète des singes est sans conteste le film le plus décevant de la série. Il commence d'ailleurs, tout comme le second opus, par une série d'extraits des deux précédents films rappelant la conception de César et sa victoire sur la domination humaine. Pourtant, à y regarder de plus près, les questions qu'il aborde sont loins d'être dénuées d'intérêt, et à défaut d'être mis sur le même plan que les plus belles réussites de la série cinématographique, il convient de le réhabiliter au moins en partie.

La bataille de la planète des singes est la suite directe de La conquête de la planète des singes. On retrouve, entre ving-cinq et trente ans après la révolte réussie des singes contre les hommes, certains des personnages que l'on connaissait déjà, à savoir César, le leader incontesté (?) des singes, et MacDonald, l'ancien conseiller du gouverneur, devenu le quasi-bras droit de César. Ce dernier s'est en outre marié, et a un jeune fils qu'il a nommé Cornélius, en souvenir du père qu'il n'a jamais connu.

Ce manque propre à tout orphelin constitue d'ailleurs un des moteurs du film, César se lançant, sur les conseils de MacDonald et en compagnie de celui-ci, dans une expédition à destination de la cité interdite (la ville cadre de l'action du quatrième film), détruite par l'apocalypse atomique, réponse des hommes à la révolte de leurs esclaves. Le but en est de retrouver des enregistrements de Zira et Cornélius devant la commission d'enquête des Evadés de la planète des singes, un autre recyclage source d'économie.

Les accompagne Virgil, un orang-outang, intellectuel génial, qui est sans doute le plus charismatique des nouveaux personnages, et comme un Zaïus plus jeune et encore innocent... Arrivés dans la cité interdite, ils devront fuir la haine des anciens habitants, humains atteints par les radiations et qui sont les ancêtres des mutants présentés dans Le secret de la planète des singes. La deuxième partie du film va alors voir la mise en place d'un affrontement rangé entre humains irradiés et communauté simiesque-humaine, la fameuse bataille du titre, un des moments-forts du métrage.

Néanmoins, le budget réduit alloué au film explique la réutilisation de certaines images (les explosions pendant la bataille) et le peu de variété des décors, qui alternent entre la communauté simiesque-humaine (une sorte de retour à la nature, peut-être influencé par l'idéologie hippie de l'époque) et la cité interdite. On appréciera cependant le tableau des activités artisanales menées par les singes et les humains en arrière-fond. Par ailleurs, au rang des petites anecdotes, signalons la présence du réalisateur John Landis parmi les acteurs secondaires du film... Mais le véritable intérêt de l'œuvre réside dans les questions posées, et qui ont trait aux difficultés de la vie en communauté. Le statut inférieur des humains qui vivent avec les singes, conçu comme provisoire, le temps de recréer une relation de confiance entre espèces, pose la question de l'infériorité sociale dans laquelle sont tenues les femmes, et de l'inversion de cette subordination qui pourrait suivre une éventuelle révolution... De même, on retrouve l'opposition nature-culture, représentée par l'antagonisme sous-jacent entre les gorilles, qui font prévaloir l'instinct animal et guerrier, et les chimpanzés, adeptes de l'éducation qui doit permettre de faire disparaître une violence qui semble inséparable de la civilisation, qu'elle soit humaine ou simiesque (l'assistant du gouverneur humain, Gomez, est d'ailleurs le pendant de César dans sa recherche de la paix et de la réconciliation). A cet égard, l'utilisation de la violence est une problématique centrale : est-il juste de recourir à la violence pour tenter d'établir la justice ? La dénonciation des militaires, symbolisés par le général gorille Aldo et ses rêves de dictature en profitant du climat de guerre, est également patente.

Surtout, ce cinquième film pose les bases à l'envers de bien des éléments développés dans les autres opus de la série : la formation de la zone interdite, les lois du peuple singe (au premier rang desquelles l'impératif " un singe ne doit pas tuer un autre singe ", scellé par la mort tragique de Cornélius et celle de son meurtrier, dans un arbre, comme un retour aux racines animales), même s'il en laisse d'autres en suspend. Il faut toutefois préciser qu'un sixième film était prévu pour boucler le cycle, un projet abandonné après la mort du producteur Arthur P. Jacobs. Ce chaînon manquant nous aurait sans doute permis de comprendre comment les humains en étaient arrivés à retomber au rang de simples animaux sauvages et comment les quelques artéfacts technologiques qui demeuraient en la possession des singes avaient été -probablement- détruit, suite à l'élaboration du dogme religieux...

La fin du film reste en tout cas un très bon moment, faisant parfaitement office de final pour l'ensemble des cinq films. Le professeur qui introduisait l'histoire de La bataille de la planète des singes, incarné par le réalisateur John Huston, termine en effet son exposé tandis que derrière lui, la statue du Législateur (César) pleure, sans doute sur l'échec de la réconciliation entre humains et singes, et peut-être sur l'avenir condamné d'une planète aux mains des gorilles... Il reste que les réflexions de Virgil sur le temps posent la question d'une modification de la destinée tragique de la Terre, une façon de remettre au premier plan le libre-arbitre des individus ; d'ailleurs, six cent ans après la mort de César, les humains et les singes vivent toujours en harmonie, alors...
Palplathune
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le 9 oct. 2010

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Palplathune

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