Le thème classique d'un pacte avec le diable, librement adapté de l'oeuvre de Goethe, est forcément riche d'enseignements philosophiques. Il s'accompagne ici d'une réflexion sur la société humaine, de l'après-guerre en particulier. Car le cas de Faust, échangeant son âme contre la jeunesse et le succès, semble s'appliquer à la société entière, peut-être coupable de complaisance ou d'utopisme. La facilité plutôt que le courage, l'abondance plutôt que le travail. Devenu jeune et riche, Faust voit, grâce au pouvoir de Mesphistophélès, défiler son avenir, un futur de puissance absolue qui mène au fascisme, et puis la mort, solitaire, au bout.
René Clair met en garde contre les illusions, la richesse tombée du ciel
(Faust découvre le secret de l'alchimie)
et les découvertes scientifiques incontrôlées qui font puis défont le bonheur des peuples, toujours prompts à encenser puis à honnir. Ce en quoi le film est également satirique. L'intelligence du propos rejoint celle de la mise en scène, complexe et remarquable. Gérard Philipe et Michel Simon, lequel introduit une note d'humour par ses expressions et sa malice de diablotin, se livrent à un excellent et ludique échange d'acteurs.