-Quel ennui s'écrie une spectatrice devant le générique rejoint par un bâillement désespéré d'une partie de la salle pourtant généreuse ce samedi de grand beau temps à Paris venu voir le dernier Bonello. Et surtout toujours cette question posée et qui s'échoue souvent sur moi ( ai-je l'air suffisamment perplexe et attentive, amène et délurée pour recevoir cette question): - Vous avez compris ?
Et moi de répondre: -faut-il forcément comprendre? Vous comprenez vous la solitude effarante, l'empêchement d'aimer, les non-rencontres, celles qui n'arrivent décidément pas à avoir lieu alors même qu'elles sont pour vous, qu'elles ont toujours déjà eu lieu et que vous le savez et que ça ne se peut, que vous ne pouvez pas, vous comprenez vous les ratages de rencontres ou leurs présages, les impuissances de part et d'autres, sans autre raison que nos humanités fêlées, vous comprenez les impossibilités de se dire ce qu'on éprouve là instantanément, toutes les sophistications et détours qu'on y met pour ne pas avoir à vivre ce qu'on désire vivre et qui nous mettrait en feu, vous comprenez vous les vies en l'air, les désirs en vain, les improbables situations et figures que l'on prend ou rôles que l'on joue parce qu'on n'arrive pas à sauter dans son désir, sa vie, son risque, parce qu'on croit qu'on ne peut pas ou que vraiment on le ressent ainsi we cannot, I cannot.
-Qui êtes-vous vous pour croire que je puis faire un autre film doit se dire Bonello, appréciez déjà celui que je puis qui met en scène avec une intelligence trop fine mais belle, trop éthérée mais forte, trop languide mais démente nos rêves avortés, nos capacités d'amour peu souvent en synchronie.
Cette Bête de Bonello vaut d'être ressentie dans la dislocation de sa temporalité, dans ce que Léa Seydoux nous raconte de son visage de Dumont à Bonello, dans les déclarations d'amour de ces metteurs en scènes à leurs archives et inscription dans le futur de leurs légendes, à tout ce que certains ne savent pas jeter ou aiment retenir d'une cinématographie illustre mais qui les frustre.