Une chose est sûre, c'est que je préfère le film de Renoir au roman de Zola qui est très complexe (beaucoup de personnages et d'intrigues en parallèle), beaucoup trop pessimiste (la fin allégorique du transport de troupes pour la guerre de 70) et surtout trop insistant sur ces histoires d'hérédité, d'alcoolisme de plusieurs générations.

Devant la nécessité de limiter la durée à 90 minutes, le film de Renoir est allé à l'essentiel en focalisant le scénario sur le personnage de Jacques Lantier sans pour autant édulcorer la fatalité qui submerge le personnage. L'intrigue du roman est modernisée et adaptée au moment de la réalisation soit 1938.

C'est un film "ferroviaire" qui est tourné principalement sur la ligne Paris-Saint Lazare – Le Havre (ligne que j'ai beaucoup pratiqué … en client) et où on reconnait des lieux qui n'ont pas changé comme le viaduc de Barentin, la gare de Rouen entre deux tunnels, l'arrivée sur Le Havre et même la gare Saint-Lazare. En somme, ce qui a changé ce sont les superbes locomotives à vapeur. Et il faut bien dire que Renoir s'est fait plaisir à filmer avec grand talent la fameuse "Lison" sous toutes ses coutures, à l'arrêt, au démarrage avec le mouvement puissant et majestueux des bielles, en pleine vitesse avec le visage du mécanicien au vent… Et le film commence très fort avec une longue séquence de tournage de la conduite du train et du peu de confort des conducteurs sur leur plateforme. Il est certain que vouloir tourner le film, aujourd'hui, avec les machines modernes n'apporterait certainement pas la même impression de puissance, de monstruosité infernale qu'apporte la "Lison" éructant de vapeur, de bruit, de fumée. Même la machine à l'arrêt, on sent la puissance tapie dans le foyer où les flammes sont toujours présentes avec un bruit de marteau régulier. On n'est pas loin du documentaire !

On a raison de dire que le film c'est un héros, Jacques Lantier et une héroïne, la Lison.

D'ailleurs les promenades "romantiques" de Jacques Lantier et de Séverine se font dans le dépôt entre les machines et les rails …

Jean Gabin joue le rôle de Jacques Lantier, le conducteur de train, solitaire en prise avec ses démons, bien plus à l'aise avec sa machine qu'avec les autres gens.

Le rôle de Séverine en femme manipulatrice est assuré par Simone Simon. Là je dois dire que l'actrice ne me convainc que partiellement. Certes elle est mignonne et attirante. Je ne sais pas mais son jeu me semble trop explicite ou extraverti et m'apparait manquer de "vice". Je ne suis pas (évidemment) spécialiste de la chose mais il me semble que pour manipuler un homme et surtout l'amener à tuer, il faut un peu plus que de la beauté et des regards énamourés…

Par contre, Fernand Ledoux est excellent dans le rôle de Roubaud (le chef de gare époux malheureux de Séverine). Là le ton est très juste dans son jeu d'homme "faible" mais violent.

Julien Carette est, comme toujours excellent, avec son accent de titi parisien, sa gouaille et ses remarques à l'emporte-pièce (la scène de bal)

Blanchette Brunoy tient le rôle de Flore qui est très réduit par rapport au roman. Je le regrette un peu car c'est une excellente actrice.

Au final, c'est un film superbement réalisé, dans lequel on ne s'ennuie pas même si la romance entre Gabin et Simone Simon m'a moyennement convaincu. C'est surtout la mise en scène de la "Lison" qui m'impressionne et me plait chaque fois que je vois ce film.


JeanG55
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le 1 oct. 2022

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