Après avoir assisté à la tentative de suicide de sa mère, la jeune Mimi est confiée à sa tante, en ménage avec un certain Jean-Pierre qui ne fait rien pour la mettre à l'aise. Ou plutôt, si...
Moyen-métrage de 52mn, La bouche de Jean-Pierre est loin d'être l'objet sulfureux que laisse supposer son titre. La présence de Lucile Hadzihalilovic et de Gaspar Noé au générique aurait également pu induire en erreur là où le film est d'une pudeur assez inouïe. Dans le portrait cafardeux qu'il tire de la France des années 90 déjà, où la froideur massive des tours en béton fait jeu égal avec une palette chromatique extrêmement tranchée, signifiant les choses bien plus qu'elle ne les explicite. Un travail visuel très marqué qui renforce paradoxalement le sentiment de réalisme qui imprègne La bouche de Jean-Pierre. Alors que les cartons qui ouvrent ("La France aujourd'hui") et ferment le film ("Moralité") tombent comme deux coups de massue, la mise en scène posée et réfléchie de Lucile Hadzihalilovic se contente de peu pour poser une atmosphère, soit un enchaînement de plans d'une clarté absolue où la banalité du quotidien laisse entrevoir de sacrées contradictions morales.
A ce titre, La Bouche de Jean-Pierre est un petit précis de mise en scène pour cinéastes en herbe : choix du format, précision des cadrages, gros plans intrusifs, place laissée au montage comme moyen d'exprimer une idée, une émotion, ou encore pour donner du sens à une situation donnée, rareté des dialogues au profit d'un malaise diffus... La finesse de la réalisation est à la hauteur du jeu des comédiens, jeu dont tout sourire semble d'ailleurs avoir été banni tant il ferait tâche dans ce microcosme écrasant. Somme de petit détails ramassés dans un récit minimal, La Bouche de Jean-Pierre est de ces films qui ne donnent pas envie de rire mais font clairement plaisir à voir. Rigoureux, maîtrisé, pas toujours accessible mais conscient et responsable, voilà un bel exemple de cinéma français qui en a.
Au passage, un grand bravo à l'éditeur Badlands pour leur excellente édition, techniquement irréprochable et bourrée de bonus passionnants.