Dans sa fiole de bourgeoisie préservée au cœur du riche Paris, Simon a pour sa mie, traitée comme une servante, les sentiments immatures, possessifs et jaloux que Proust imagina huit décennies plus tôt dans son roman "La Prisonnière". De la qualité de l'adaptation, je ne saurais juger au-delà de ce clin d'œil pas très propre du titre, et cela ne me surprendrait pas que la volonté d'actualisation de l'ouvrage surpassât par endroits la licence artistique. Mais Akerman, comme dans son Nuit et jour, arrive ici à me toucher démesurément.
Le calme et la tendresse des personnages, où viennent se lover puis grandir, presqu'affectueuses, les douces tares d'un couple, sont d'un romantisme dysfonctionnel que j'admire. Pas assez en faire, trop en faire : où se situe la limite quand les sentiments les plus forts aiguisent les contrastes, faisant pâlir l'inessentiel et vibrer tout ce qui est beau ?
Au sein de ces dilemmes futiles qui, dans sa jalousie, s'imposent à Simon, j'excuse encore plus que d'habitude la passivité et la placidité à outrance qui sont la griffe de la réalisatrice, car ils sont le fond clair nécessaire à ce que se décèle (sombrement) la violence du mal qu'il se fait malgré sa politesse et ses mots murmurés.
De par cet univers de fantasme permanent où la compréhension de l'autre est ardue et où Simon a le pouvoir de donner vie à ses peurs, Akerman me donne l'impression de la comprendre. Elle ne me dit pas si je me trompe, mais peu importe : son film, dans un sens ou dans l'autre, je l'ai vécu.
→ Quantième Art