En adaptant le polar de Georges Simenon, Mathieu Amalric livre une œuvre hypnotique et sensuelle, trahissant parfois le fond au service de la forme. Dramatique et mesuré comme une partition de piano, La chambre bleue se contemple comme un tableau imprégné des fantasmes de son auteur et trouve tout naturellement sa place dans la sélection Un Certain Regard du 67ème Festival de Cannes.


La pièce est encore hantée des froissements de draps, de ce rayon de soleil filtrant au travers des persiennes, des murmures échangés d’une voix distraite entre les deux amants. Chaque plan de cette chambre est un tableau de maître, habilement cadré, au fil des souvenirs de Julien qui peine à revenir à la réalité. En plein interrogatoire, il doit pourtant justifier de ses actions de ces derniers mois et s’étendre sur sa relation extra-conjugale avec la mystérieuse Esther. Car cette esquisse de la chambre bleue n’est plus qu’un amas de furtives sensations qui poursuivent encore l’accusé.


Amalric construit son film autour de multiples énigmes, car nous accompagnons Julien dans son trouble apparent, découvrant les éléments à mesure qu’ils se dévoilent au cours de l’enquête. Tout part de ce havre lapis-lazuli, empreint de langueur. Et les événements se précipitent, inexorablement, sans autre issue possible que celle qui semble toute tracée, à l’image de la route qui se rétrécit sous les pneus du véhicule de Julien.


Une bande-son lancinante accompagne son errance, suggérant presque la schizophrénie. Témoignages, faits et souvenirs s’entrecroisent et se recoupent, au point qu’on n’est jamais sûrs de ce qui est, au final, tangible. Quelques longueurs plombent le deuxième tiers du film, moins agaçants que le jeu artificiel de Léa Drucker, volontaire ou non : la femme de Julien, sous le filtre de ses souvenirs, se montre sous un jour particulièrement fade, et en devient presque aussi énigmatique que la maîtresse, incarnée par une Stéphanie Cléau aussi discrète que fascinante.


L’accusé feint-il son étonnement ou se joue-t-il de nous ? Quel est le rôle d’Esther, amante passionnée au point d’en être inquiétante ? Que s’est-il réellement passé dans La chambre bleue ?

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le 27 mars 2017

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