Le plus grand des cinéastes espagnols (en tout cas en termes de renommée internationale) tourne ici son premier film dans la langue de Shakespeare. Il s’est entouré d’un casting de choix puisqu’en tant que metteur en scène à la sensibilité très féminine, il a choisi deux très grandes actrices anglo-saxonnes en prenant Tilda Swinton et Julianne Moore, ainsi que John Turturro dans un second rôle, pour incarner les deux personnages principaux. Et c’est d’ailleurs ce qui fait le principal attrait de « La chambre d’à côté » tant les deux comédiennes brillent une nouvelle fois dans des rôles magnifiques où elles sont toutes deux formidables. Leur jeu est encore une fois impeccable et tout en nuances pour incarner ces deux personnages écrits avec soin et détails. Mais, pour le reste, on ne peut nier que le long-métrage n’est pas vraiment au niveau de ses plus grands films tournés dans son pays d’origine, qu’on ne retrouve donc pas totalement la sève et l’ADN de l’auteur madrilène.
Déjà, il faut avouer que le début du film est un peu laborieux à se mettre en place entre flashbacks inutiles au récit (ceux sur la jeunesse du personnage de Tilda Swinton et de sa fille) et description des enjeux qui se traîne un peu avant d’entrer dans le cœur du récit. Lorsque les deux protagonistes arrivent enfin dans la sublime maison à l’architecture moderne lors de la seconde partie, le long-métrage devient un huis-clos mais paradoxalement c’est là qu’il prend son envol (et de l’ampleur) et qu’il nous cueille davantage. D’ailleurs cette immense villa, qui servira de cadre à la fin de vie de l’une d’elles qui a choisi l’euthanasie plutôt qu’un combat contre un cancer qu’elle sait perdu d’avance, est superbement optimisée par les cadrages et la mise en scène d’Almodovar. Cependant, « La chambre d’à côté » voudrait traiter beaucoup de sujets (l’urgence climatique, la montée des extrêmes dans le monde, ...) mais ne fait que les survoler maladroitement ou de manière trop succincte. Même sur le thème central de la mort et de l’euthanasie, le débat semble un peu vain et notre attention se concentre donc uniquement sur la prestation de deux actrices de haut vol en état de grâce et les belles images confectionnées par le maître.
On retiendra tout de même les thèmes chers au cinéaste toujours bien sentis et mis en valeur comme le désir, l’art ou la place de la femme. Le jeu sur les couleurs et les formes que l’on retrouve sur les costumes et les décors est en tous points admirable comme peut l’être la réalisation, très soignée et agréable à l’œil donc, dont se pare « La chambre d’à côté ». Néanmoins, il est clair que ce premier essai anglophone n’est pas aussi marquant et pertinent que les plus grandes œuvres d’Almodovar, de « Tout sur ma mère » à « Douleur et gloire » en passant par « Julieta », comme si le talent et la marque de fabrique de cet auteur incontournable du cinéma international s’était un peu dissous dans une production étrangère où, par la langue et le pays, il s’était senti moins à l’aise. En résulte un film agréable et bien au-dessus de bon nombre de productions sortant en salles mais au final quelque peu anecdotique voire anodin et donc pas forcément mémorable.
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