C'est fou d'être à ce point mitigé entre crier au scandale et crier au génie. La chambre d'à côté frôle l'anecdotique de May december (avec la même Julianne Moore) et frôle le somptueux de Douglas Sirk, maître du mélodrame social.
Visuellement, rien à dire, le film est beau, voire magnifique, la composition des plans est très picturale, couleurs et formes sont particulièrement travaillées. Au niveau du jeu des actrices et acteurs, pas grand-chose à souligner, c'est juste et c'est à peu près émouvant. La partition musicale, omniprésente, n'est étonnament pas trop exagérée, et le film a déjà l'immense avantage de ne pas être tire-larmes, au contraire, sa sérénité et sa pudeur étonnent, il s'interdit comme ses protagonistes de parler de son sujet... mais c'est aussi cela qui le rend presque anecdotique.
Certains dialogues sont très mal écrits ou rendent le film trop intello, ce qui débouche sur des échanges artificiels (quand on amène des flash-backs quasiment sans transition, quand on parle de références picturales, littéraires ou cinématographiques notamment, ou quand, soudain, on parle de climat et de fascisme, comme un cheveu sur la soupe). Certes, tous les récits annexes parlent de vie et de mort, de survie et de sacrifice, d'héroïsme et de pessimisme, mais c'est trop. L'artificialité des décors tend vers le beau, celle des dialogues vers l'affreux. Étrangement, de ce film du spécialiste du mélo moderne (qui se permet même de signer Almodovar sans Pedro), il n'émane que peu d'émotions et cela n'est pas dû à la pudeur de la mise en scène, mais plutôt au vide qui l'entoure.