Un charme suranné perceptible du début à la fin et à tous les étages confère à The Charge of the Light Brigade un certain intérêt, et c'est probablement la dimension antédiluvienne de ce témoignage qui rend la chose admissible et, dans une certaine mesure, agréable. Sur le plan historique c'est à peu près n'importe quoi (quelques encarts initiaux nous préviennent que les scénaristes ont fait n'importe quoi mais que c'est assumé et pour la bonne cause, en substance), puisque l'événement relaté, une désastreuse charge de cavalerie au cours de la bataille de Balaklava le 25 octobre 1854 lors de la guerre de Crimée (restée dans l'histoire comme le sujet d'un poème célèbre d'Alfred Tennyson), est transposée en Inde avec moult modifications. Mais bon, clairement, la véracité historique n'est pas ce qu'on vient chercher dans ce genre de film (historique, pourtant), et il me faudra sans doute découvrir la version de Tony Richardson de 1968 pour une vision moins réputée mais un peu plus réaliste. Ici, place est faite aux grands faits d'armes et aux tragédies terribles qui s'abattent autour des champs de bataille.
Dans cette perspective on a droit à un torrent d'héroïsme sacré, tout particulièrement au travers du personnage de Errol Flynn (David Niven aussi, dans une moindre mesure, pour un rôle plus modeste) qui est dans ce récit placé aux premières loges de ladite brigade : c'est lui qui falsifiera un ordre de repli pour mener une attaque vouée à l'échec dans le seul but de venger un massacre commis par les méchants du coin — en l'occurrence l'armée de sultan Surat Khan, nouvel allié des Russes — et il fait ça très bien. C'est pompeux et ampoulé, c'est terrible puisqu'il se suicide suite à une peine de cœur (sa dulcinée aka Olivia de Havilland le quitte pour son frère, endive de premier choix, c'est assez incompréhensible, camouflet qu'il ne peut supporter), et ça rentre très bien dans le registre lyrique de l'époque. Mais c'est très beau, la tragédie a conservé une bonne part de sa puissance.
Petite pensée pour les dizaines de chevaux charcutés et tués pour les besoins de la scène de bataille finale, quand même — on sent que les conditions de tournage étaient assez freestyle dans les années 1930, on simulait des chutes en tendant du fil de fer, il suffisait d'y penser, on n'y voit que du feu. Une nouvelle manifestation de cette légende qu'on imprime (plutôt que la réalité), sur fond de bravoure militaire désuète tandis que les vers de Tennyson défilent à l'écran. Et mention spéciale au costume archi moulant de Flynn aussi, pour une mise en valeur optimale de tous les organes extérieurs.
https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Charge-de-la-brigade-legere-de-Michael-Curtiz-1936